SOMMAIRE MUSIQUE IONESCO
Résolution optimale : 1920 pixels x 1080 pixels

 



Alain Bouhey
contact




LE TRAGIQUE
CHEZ
EUGENE IONESCO


(Maîtrise de Lettres Modernes, soutenue en Juin 1971
à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de Dijon, où elle est consultable
en B.U. Droit-Lettres sous les cotes 191513 et 191513 bis,
auteur : Alain BOUHEY, professeur : Monsieur François GERMAIN,
commentaire : "travail plus proche d'une thèse de IIIème cycle [sur 3 ans]
que d'un mémoire de maîtrise [sur 1 an]"

mention : Très Bien.)






"- Le Père : [...] Il n'y a rien mon enfant, tu n'as laissé aucun message, tu as bafouillé des balbutiements, des semblants de mots, tu te prenais peut-être pour un prophète, pour un témoin, pour l'analyste de la situation. Aucune situation n'apparaît claire, le vide."
(Voyages chez les morts, Ionesco, Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque de la Pléiade, 2002, p. 1301).



"- Jean : Je m'étais imaginé un certain temps que j'avais mis quelque chose, il n'y a rien. Depuis quelque temps déjà, je me rendais compte que tout ceci n'avait été que de la paille, de la paille pourrie."
(Id.).
"- Le Père : Ne t'en fais pas, personne n'a réussi à ne rien faire, le monde n'est à personne, le monde est à Satan, si Dieu ne le lui arrache de ses mains, Il est le seul à pouvoir donner un sens à la création que Satan a salie et barbouillée, et cassée. Tout cela sera peut-être lavé et réparé et on y comprendra quelque chose."
(Id., p. 1301).





.
CONCLUSION DE 2005



.
IONESCO,
SATAN OU LE "DEMON MALADROIT", DIEU ET... SCRIPTORAL









INTRODUCTION
Retour au menu






"Voyages chez les morts" révèle qu'il y a eu un moment de la vie et de la création dramaturgique de Ionesco, au sommet de sa gloire, où ce dernier a cru que tout était arrivé et qu'il n'avait plus à combattre. Par paresse, il a alors "jeté les armes" et "sacrifié [sa] vie spirituelle et le salut de [son] âme pour [sa] célébrité" ce qui, du coup, lui fit perdre sa notoriété (cf. ionesco_voyages.htm#jeu).

Tout indique que cette démission s'effectua sur une période de quatre à six ans , entre 1964/66 (rédaction, puis représentation à la Comédie-Française de "La Soif et la Faim") et 1970 (élection à l'Académie française et création de "Jeux de massacre"), période pendant laquelle Beckett continua, lui, le combat, et obtint (en 1969) le prix Nobel de littérature. (cf. ionesco_voyages.htm#jeu).






DIEU ET L'AMOUR
Retour au menu





Or, vie spirituelle et salut de l'âme impliquent une relation à Dieu et à l'amour, qui sont particulièrement liés dans le christianisme, religion à laquelle Ionesco s'est dit appartenir en 1975, face au père Lendger :
Il apparaît par ailleurs, que, dans ses dernières pièces, même s'il avoue y avoir dérapé, le dramaturge ne voit de solution qu'en eux, que ce soit pour l'humanité, pour les personnages qui le représentent ou pour son oeuvre. Ainsi, dans "Ce formidable bordel !", Agnès, la serveuse, voit dans l'amour qu'elle propose au Personnage, un exemple qui fera tache d'huile dans la société et sortira celle-ci de sa noirceur (cf. ionesco_bordel.htm#lep). Dans "Le Solitaire", source de cette-même pièce, c'est le héros, qui, pris d'une "nostalgie sans nom", voit dans l'amour ce qui peut l'aider, "remplacer l'explication" qu'il cherche :
"Le mot amour qui m'était venu à l'esprit m'inspira soudain une nostalgie sans nom. Je compris que cela aurait pu m'aider, remplacer l'explication. Etre fou d'amour. En effet, c'était tellement invraisemblable, tout était tellement invraisemblable que cela pouvait paraître séduisant."
(Le Solitaire, Ionesco, roman, Ed. Mercure de France, 1973, p. 156).
Et Jean ne reconnaîtra-t-il pas, dans "Voyages chez les morts" que tout est vain, sauf l'amour ?
"- Jean : [...] Je suis arrivé. Où ? J'ai réussi. Quoi ? Tout est vain, c'est d'amour que l'on devrait mourir."
(Voyages chez les morts, Ionesco, Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque de la Pléiade, 2002, p. 1342)

Quant à Dieu, c'est son père lui-même (père de Jean dans la pièce), qui estime que le monde est à Satan si Dieu ne l'arrache pas de ses mains, que Lui seul peut tout laver, réparer, rendre intelligible, y compris l'oeuvre de son fils. Autrement dit, seul Dieu peut sauver du néant, du "vide", l'oeuvre de Ionesco, entre autres (cf. ionesco_voyages.htm#van). Ceci explique que, dans un ouvrage publié en 1979, Ionesco se dise depuis toujours en attente de la grâce :
"Depuis toujours j'attends la grâce, quelle longue patience. Ou courte plutôt, il n'y a pas si longtemps que nous sommes nés. Seule la grâce peut donner le sentiment ou la certitude que le monde est vrai, substantiel."
(Un homme en question, Gallimard, coll. Blanche, 1979, p. 95, cité par Emmanuel Jacquart, Ionesco, Théâtre complet, bibl. de la Pléiade, Voyages chez les morts, notes, 2002, p. 1880).







LE REFUS DEMONIAQUE
Retour au menu







A cause de cette attente, le dramaturge n'a jamais fait de pas définitif vers l'amour, même au moment où la représentation qu'il en donnait était la plus forte (cf. ionesco_soif.htm#lie), il ne l'a fait qu'au moment de la mort de la Vieille, dans "Jeux de massacre" (cf. ionesco_jeux.htm#cen), et cela, pour ensuite rejeter violemment (cf. ionesco_bordel.htm#lep) et salir ce sentiment (cf. ionesco_valises.htm#lamour).

Par rapport à Dieu, la tentation est grande pour lui de croire à Satan, ou, influencé par les gnostiques, à un "démon maladroit" :
"Comme certains mystiques, comme certains gnostiques, je crois de plus en plus que c'est un démon maladroit qui a créé cet univers."
(Un homme en question, Gallimard, coll. Blanche, 1979, p. 114, cité par Emmanuel Jacquart, Ionesco, Théâtre complet, bibl. de la Pléiade, Voyages chez les morts, notes, 2002, p. 1878).
Et c'est Satan qui l'amène à Dieu :
"Je me sens davantage tenté de croire au diable plutôt qu'à Dieu. Mais si je crois au diable, je crois alors aussi en Dieu. on ne peut comprendre l'histoire des hommes sans la démonologie",
(Un homme en question, Gallimard, coll. Blanche, 1979, p. 194, cité par Emmanuel Jacquart, Ionesco, Théâtre complet, bibl. de la Pléiade, Voyages chez les morts, notes, 2002, p. 1878),
ce qui est fort intéressant.








EPOUSE-MERE ET FILLE :
SOURCES D'AMOUR

Retour au menu







En effet, examinons la façon dont l'amour apparaît et se développe dans les dix-sept pièces de son oeuvre envisagées ici :
 

Il point dans "La Cantatrice chauve" avec la fiancée du pompier que, déjà, celui-ci commence à oublier (cf. ionesco_cantatrice.htm#nec).
Il réapparaît avec la Vieille des "Chaises", et déjà, sous la forme de l'épouse-mère (cf. ionesco_chaises.htm#ave à mettre en parallèle avec ionesco_valises.htm#cou de "L'Homme aux valises), épouse-mère qui partage les illusions de son Vieux d'époux, croyant ainsi l'aider à se réaliser, ce qui les mènera tous deux au fiasco de la noyade finale (cf. ionesco_chaises.htm#con).
Dans "Amédée ou Comment s'en débarrasser", l'épouse, Madeleine, échaudée par l'expérience précédente ? violemment agressive, refuse toute approche d'Amédée et de ses rêves comme un viol (cf. ionesco_amedee.htm#tenebres). Elle se replie sur elle-même et sur le cadavre de leur amour qui ne cesse de s'accroître entre eux, attendant qu'il l'en débarrasse (cf. ionesco_amedee.htm#att). Amédée s'en tire par une pirouette et Madeleine lui fait vertement savoir qu'il ne s'en sortira pas ainsi (cf. ionesco_amedee.htm#ler).
Dans "Victimes du devoir", l'épouse-mère, une autre Madeleine, cherche, sous la contrainte de la loi, et en obligeant Choubert (son époux) à s'enfoncer dans ses souvenirs, à le faire adhérer à la réalité (cf. ionesco_victimes.htm#adh, ionesco_victimes.htm#aut...). Elle joue même le rôle de la mère de Choubert-Ionesco pour lui rappeler qu'il doit pardonner au policier-père, le père de l'auteur ayant été inspecteur de la sûreté en Roumanie (cf. ionesco_victimes.htm#rev). Nouvel échec.
Dans "Le Nouveau Locataire", "Tueur sans gages", "Rhinocéros" (ordre chronologique), l'épouse disparaît. Toutefois Dany dans "Tueur sans gages" et Daisy dans "Rhinocéros" suscitent des sentiments amoureux chez Bérenger. Toutes deux succomberont, la première à l'assassin et la seconde à la rhinocérite (cf. ionesco_rhinoceros.htm#dai). Aucune d'elle n'aura la force de tempérament et la permanence de l'épouse-mère, qui lui font traverser l'oeuvre du dramaturge. Faut-il voir en Dany et Daisy des compagnes de moments sacrilèges de son mariage, dont il parle dans "Journal en miettes" ?

"[...] ma femme aquiesça, joua ce jeu sacré, et, obéissant à une volonté, à une puissance qui les transcendaient, me lia à elle, se lia à moi pour l'éternité. Elle n'a jamais essayé de se démettre, n'a jamais connu un autre homme. Il m'est arrivé de me démettre pour un moment ou pour plusieurs, mais mes fuites étaient ressenties comme des sacrilèges."
(Journal en Miettes, Ionesco, Editions Mercure de france, 1967, p. 181).
L'épouse réapparaît en la personne de Joséphine, dans "Le Piéton de l'air", elle est désespérée, perdue, abandonnée au fond des ténèbres (cf. ionesco_pieton.htm#pen), mais cette fois elle n'est plus seule, elle est mère et c'est par Marthe, la fille que lui a donné Bérenger, que l'amour va commencer d'éclairer l'oeuvre de Ionesco (cf. ionesco_pieton.htm#lam), de 1962 à 1964...70.

Eugène Ionesco épousa Rodica Burileanu le 8 juillet 1936, leur fille, Marie-France, naîtra le 26 août 1944, elle aura 18 ans en 1962.

L'amour de l'épouse-mère revient avec Marie, dans "le Roi se meurt", (cf. ionesco_roi.htm#inc), mais ce n'est que la seconde épouse, à laquelle le roi préfèrera, Marguerite, sa première femme, bien qu'il la haïsse, parce qu'il la comprend.
A partir de là, l'amour attentif et attendant, va s'épanouir, s'enfler comme une vague, réunissant pour la première fois, dans une même splendeur, Marie-Madeleine et Marthe, l'épouse-mère et la fille, dans "La Soif et la Faim", (cf. ionesco_soif.htm#lie), avec toutefois cet avertissement annonciateur de "L'Homme aux valises" (cf. ionesco_valises.htm#lamour) en ionesco_soif.htm#con :

"- Marie-Madeleine : Viens.
- Jean : Dans quelques instants ! Je ne peux pas tout de suite. Je dois payer la nourriture. Je dois rembourser. Ce ne sera pas long.
- Marie-Madeleine : Dépêche-toi. Les printemps sont courts. Tu le sais bien. Ils reviennent, ils reviennent. C'est certain. Mais c'est triste de les attendre."
(La Soif et la Faim, Ionesco, Ed. Gallimard, Théâtre IV, 1966, p.168).

mais aussi cette certitude :

"- Marie-Madeleine : Nous attendrons, nous attendrons. Je t'attendrai tout le temps qu'il faudra, je t'attendrai infiniment.
Le choeur continue : un, sept, trois, six, neuf, huit, un, sept, trois, six, neuf, huit. La prononciation des derniers chiffres est accompagnée d'une ou de plusieurs cloches qui se mettent à sonner les heures. Rythme accru, rapide, saccadé du service de Jean."
(Id., p. 173).

Cette "vague d'amour" va venir se résoudre, s'étaler, dans "Jeux de massacre", réunissant le Vieux à la Vieille, mais seulement au moment de la mort de celle-ci, pour une seule et unique fois dans toute cette oeuvre, puisqu'après, Agnès sera violemment rejetée dans "Ce formidable bordel !" (cf. ionesco_bordel.htm#lep) - l'illumination Zen étant perçue, par la même occasion, comme une mystification, une farce, une blague, un "formidable bordel !" (cf. ionesco_bordel.htm#lepers) -. Quant à l'épouse-mère, la Femme, de "L'Homme aux valises", dénudée et sale, elle aura beau le faire pleurer de remords, elle ne l'empêchera pas de continuer son rêve (cf. ionesco_valises.htm#lamour).
 


Comme on le voit,
l'amour n'est incarné, chez Ionesco, que par une catégorie de femmes : Celles qui jouent le rôle d'épouse-mère et de fille du personnage central, l'épouse-mère correspondant, comme on le découvre au fil de l'oeuvre à partir de "Victimes du devoir", à Rodica, épouse de l'auteur, investie de ce pouvoir par Thérèse Ipcar, mère de Ionesco. Le personnage principal de chaque pièce correspond, lui, à ce dernier, qui eut également, comme, notamment, Bérenger dans "Le Piéton de l'air" et Jean dans "La Soif et la Faim"... une fille, Marie-France.

Dans "Ce formidable bordel !", Agnès a espéré pouvoir jouer le rôle d'épouse-mère avec le Personnage, mais en vain.








PERE DIABOLISE :
SOURCE DE CULPABILITE

Retour au menu







Aucun homme n'est porteur d'amour dans les dix-sept pièces de cette étude, même pas Bérenger, qui, dans "Rhinocéros", paraît pourtant échapper à la rhinocérite (cf. ionesco_rhinoceros.htm#sed), car l'image de l'homme pour l'auteur, c'est d'abord celle de son père, coupable d'abandon de famille et du pire des crimes : les crimes d'enfants (cf. ionesco_valises.htm#cou) au profit du maintien de l'ordre des pouvoirs totalitaires qu'il servit. Le fils n'est pas mieux loti, car il partage la culpabilité du père, pour n'avoir pas su le remplacer auprès de sa mère, pour avoir oublié celle-ci auprès de sa femme et l'avoir laissée mourir seule... (cf. ionesco_valises.htm#cou).

Dénuée d'amour, menaçante, diabolisée, entachée d'une culpabilité dont le dramaturge ne parvient pas lui-même à se défaire, l'image du père se retrouve, est-ce étonnant sur le Père éternel, le Dieu d'amour du christianisme, c'est pourquoi Ionesco croit d'abord à "un démon maladroit" créateur de l'univers, et d'abord au diable, ce qui le mène à Dieu et donc à l'amour (cf. ci-dessus). C'est donc par Satan - son père diabolisé - qu'il approche Dieu, sans pouvoir davantage entrer dans sa grâce que dans l'amour de sa femme et de sa fille, car il n'a pas... l'explication, explication de sa condition d'homme, qu'il cherche à travers son oeuvre, mais avant tout, peut-être, explication de la conduite de son père, explication de deux hommes, qui lui aurait permis de se trouver en trouvant l'auteur de ses jours, et, en se trouvant, de trouver, d'accepter, d'aimer véritablement sa femme, sa fille, l'humanité, le monde, Dieu...
N'est-ce pas ce qui ressort de ces deux passages de "Voyages chez les morts" ?
"- Jean : Encore toi ! Depuis des années tu es toujours dans mes rêves, et toi, et ta femme, et ma mère et tes beaux-frères. Je n'avais plus rêvé de vous tous pendant des années, des dizaines d'années. Que signifie ce retour vers vous ? Est-ce que je vais bientôt vous rejoindre ? On n'a pas fini de régler nos comptes ? Toujours en revenir à ces débuts effroyables",
(Voyages chez les morts, Ionesco, Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque de la Pléiade, 2002, p. 1299),
et :
"- Jean : Si vous m'apparaissez tous en rêve, c'est que ma rancoeur n'est pas si grande. Le problème n'est pas résolu. Des bouleversements et des guerres nous ont séparés. On n'a jamais pu s'expliquer."
(Id., p. 1300)
.
Ajoutons à ces deux citations, trois autres, dont les deux premières se trouvent en haut de cette page :
"Le mot amour qui m'était venu à l'esprit m'inspira soudain une nostalgie sans nom. Je compris que cela aurait pu m'aider, remplacer l'explication. Etre fou d'amour."
(Le Solitaire, Ionesco, roman, Ed. Mercure de France, 1973, p. 156).

"Depuis toujours j'attends la grâce, quelle longue patience. Ou courte plutôt, il n'y a pas si longtemps que nous sommes nés. Seule la grâce peut donner le sentiment ou la certitude que le monde est vrai, substantiel."
(Un homme en question, Gallimard, coll. Blanche, 1979, p. 95, cité par Emmanuel Jacquart, Ionesco, Théâtre complet, bibl. de la Pléiade, Voyages chez les morts, notes, 2002, p. 1880).
et :
"- Le Père : Ne t'en fais pas, personne n'a réussi à ne rien faire, le monde n'est à personne, le monde est à Satan, si Dieu ne le lui arrache de ses mains, Il est le seul à pouvoir donner un sens à la création que Satan a salie et barbouillée, et cassée. Tout cela sera peut-être lavé et réparé et on y comprendra quelque chose."
(Voyages chez les morts, Ionesco, Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque de la Pléiade, 2002, p. 1301).
Et l'on a le cercle vicieux du tragique de toute l'oeuvre de ce dramaturge : seul l'amour et Dieu peuvent remplacer l'explication, mais il est incapable d'aimer et de croire parce que coupable de la culpabilité de son père, et coupable parce qu'il n'a pas pu avoir d'explication avec ce dernier, une explication qui lui aurait donné l'explication de sa condition d'homme, celle qu'il a cherchée sans la trouver dans son théâtre, ce qui le fait "toujours en revenir à [ses] débuts effroyables".










CONCLUSION :
IONESCO ET... SCRIPTORAL

Retour au menu








Il n'en reste pas moins, que, tout le temps où Ionesco a "combattu" par son oeuvre, de "La Cantatrice chauve" à "La Soif et la Faim"/"Jeux de massacre", il a exploité une méthode qui lui a permis d'ouvrir et de développer la lumière et l'amour dans son oeuvre.

Cette méthode a consisté à explorer les voies obscures qui leur faisaient obstacle : les soumissions ("La Cantatrice chauve", "La Leçon"), la soumission dominatrice ("Jacques ou la Soumission"
) ; les révoltes contre la séparation ("Les Chaises"), contre le pardon ("Victimes du Devoir"), contre l'amour ("Amédée ou Comment s'en débarrasser"), contre la mort ("Tueur sans Gages") ; la logique réductrice à soi ("Le Nouveau Locataire"), le chaos de la logique ("Rhinocéros"), la logique du chaos ("Le Piéton de l'air"), la logique de l'amour ("Le Roi se meurt") ; le désir ("La Soif et la Faim").

L'auteur de ces lignes écrivait à la fin de sa conclusion de 1971 :
"Ce qui est extraordinaire dans l'oeuvre d'Eugène Ionesco, c'est de découvrir qu'un homme, animé par la volonté d'être sincère avec lui-même, et de ne rien cacher de lui à ses semblables, même ses faiblesses, son égoïsme, ses fautes tragiques envers lui et envers eux, que cet homme puisse trouver son salut dans sa réflexion et aide les autres dans la voie où il a (eu) tant de difficultés. Peu importe que le spectateur ou le lecteur comprenne exactement la même chose que lui et de la même façon, ce qui compte surtout, c'est qu'en se penchant dans le même effort de sincérité sur cette oeuvre, lui aussi apprenne à se trouver et à découvrir toujours plus puissamment la richesse de sa vie et de celle de ses semblables."
(Le Tragique chez Ionesco, Alain Bouhey, ionesco_dieu.htm#ceq)
C'est dire l'importance de la marque qu'imprima en lui le combat du dramaturge, qui fit coïncider, en son oeuvre, le moment de l'entrée dans la lumière et la chaleur de l'amour avec celui de l'entrée dans la mort (les Vieux de "Jeux de massacre").

L'auteur de ces lignes, au contraire, prit le combat de Ionesco, au moment ou celui-ci l'avait laissé. Et l'entrée dans la lumière et l'amour au milieu des ténèbres, correspondit chez lui, un an après le 11 septembre 1970 (création de "Jeux de massacre"), à sa double entrée dans la vie :
 

vie matrimoniale avec mariage les 16/17.7.71 ;
vie active (départ comme Volontaire du Service National au Sénégal vers septembre 1971, avec, début, en 1973, de la recherche qu'il nommera "scriptorale" en 1976).

Il s'agira, pour lui, de comprendre comment la source de lumière fondamentale de "l'oral" peut éclairer le "script", "oral et script" étant définis en http://abouhey1.free.fr/scriptoral.htm. Ionesco ne se disait-il pas, via Jean et son père rêvés, au sujet de son oeuvre ("script" dont la lumière est "l'oral") :
"- Le Père : [...] Il n'y a rien mon enfant, tu n'as laissé aucun message, tu as bafouillé des balbutiements, des semblants de mots, tu te prenais peut-être pour un prophète, pour un témoin, pour l'analyste de la situation. Aucune situation n'apparaît claire, le vide"
(Voyages chez les morts, Ionesco, Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque de la Pléiade, 2002, p. 1301),
"- Jean : Je m'étais imaginé un certain temps que j'avais mis quelque chose, il n'y a rien. Depuis quelque temps déjà, je me rendais compte que tout ceci n'avait été que de la paille, de la paille pourrie"
(Id., p. 1301)
,
"- Le Père : Ne t'en fais pas, personne n'a réussi à ne rien faire, le monde n'est à personne, le monde est à Satan, si Dieu ne le lui arrache de ses mains, Il est le seul à pouvoir donner un sens à la création que Satan a salie et barbouillée, et cassée. Tout cela sera peut-être lavé et réparé et on y comprendra quelque chose"
(Id., p. 1301)
?
Scriptoral a permis de mettre en évidence un chemin de lumière (une complémentarité) dans le rapport obscur des formes d'esprit opposées (http://abouhey1.free.fr/pyramide.htm), stade auquel le dramaturge n'a pas pu accéder, pour une raison qu'il a le mérite de reconnaître :
"- Jean : Ne me détestez pas tellement ! J'ai toujours été incapable de fréquenter quelqu'un s'il n'avait pas mes idées."
(Id., p. 1342)

Ionesco s'est sans doute pris pour un prophète, il se le fait dire par le Père de son rêve (cf. ci-dessus). L'auteur de ces lignes, une fois entré dans le monde de lumière de Scriptoral, s'est laissé porter par lui avec confiance. Il a pensé, lui aussi, non seulement être un prophète, mais être celui qui réalisait le mythe de l'enfant-roi, tellement les signes qui l'entouraient étaient stupéfiants de densité et de cohérence. Prudent, toutefois, plutôt que de se présenter, tel Jeanne d'Arc, comme le sauveur d'une partie ou de la totalité du monde, il a chargé de ses signes un double de lui-même, qu'il nomma Y, en disant :
" votre serviteur a objectivé sous le nom de "Y" la partie de lui qui est en question, afin de pouvoir en parler avec plus de détachement et de liberté, lorsqu'il doit exposer les signes qui lui sont donnés, pour que Scriptoral, clé de David selon son interprétation, puisse faire la lumière sur les énigmes qui se présentent.

"Si, au contraire, cette extrême probabilité n'aboutissait pas à la certitude vers laquelle elle tend, il serait alors très intéressant de mettre en examen le réseau de signes, comme le fait la conclusion de la page d'accueil :
Quelles sont :
- sa logique,
- sa valeur,
- sa provenance
(hasard, Providence divine, puissance extra-terrestre),
- la valeur des interprétations qui en sont faites ?
Autrement dit :
celui-ci n'est-il que le fait d'une imagination mégalomaniaque,
puissance d'erreur et de fausseté ?
Mais alors, pourquoi a-t-il une telle cohérence, pleine de justesse ?
Ou bien, est-il la preuve
d'un pilotage terrestre ou extra-terrestre de nos destinées,
par une ou des intelligences supérieures,
qui en tirent les fils ?"


(http://abouhey1.free.fr/2_reines.htm#y)


Le problème posé rappelle curieusement celui du moine Zen qui inspira la fin de "Ce formidable bordel !". Tous ces signes ne seraient-ils donc qu'un leurre (cf. ionesco_bordel.htm#jaisan) ? Pourquoi ?

Espérons seulement qu'il ne faut pas aller plus loin, et y voir, comme Ionesco, "une mystification", une "farce", "une bonne blague", un... "formidable bordel !" (cf. ionesco_bordel.htm#jaisan).

Résolution optimale 800 x 600 (image de fond à la taille de l'écran)


 
^
 
   
 
> suivant