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L'oeuvre
de Ionesco franchissant progressivement, jusqu'à "Jeux
de Massacre" tout du moins, les obstacles auxquels se heurte
notre existence (en découvrant qu'ils sont la conséquence
d'une illusion tragique,
d'un mensonge à soi-même), et ouvrant à l'être
humain, dans son approfondissement, l'infini de l'amour,
le mot "conclusion" fut très gênant pour ne pas
dire impossible à employer pour cette dernière partie,
en 1971, d'autant plus que l'oeuvre théâtrale de cet auteur
n'était pas encore achevée. Il s'en fallait de quatre
pièces.
Le point de l'oeuvre, jusqu'à "Jeux
de Massacre", est facile à faire, si l'on s'en tient
à ses fondements.
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En
effet, il s'est avéré dans un premier temps que l'être
humain est tout à la fois incapable de dominer ses semblables
et de se soumettre à eux, sans tomber au pouvoir de puissances
ténébreuses dont il devient le jouet, dans l'illusion
d'être le maître de l'univers.
Un
deuxième temps montre que ce désir de domination est
dû à une révolte contre la condition humaine,
et essentiellement contre l'amour ("Amédée
ou Comment s'en débarrasser"), et, par suite, contre
la mort ("Tueur sans Gages").
Mais cette révolte ne doit son existence qu'à une
logique, qui aveugle l'individu, en détournant son intelligence
de lui-même, et qui,
ainsi
que le révèle un troisième moment de l'oeuvre,
est fondée sur un chaos ténébreux, dont il
est impossible de ne pas être victime, tant que l'on cherche
à comprendre la vie. La révolte contre l'amour mène
à la mort. Elle en est la source, causant le dépérissement
de l'être, alors que les femmes qui aiment restent resplendissantes
de jeunesse. Il se trouve que, dans la vie du sentiment, elles
ne connaissent pas de limites, que la mort n'est rien pour elles,
car elles participent à une vérité éternelle
où tout leur est donné, sans qu'elles ne cherchent
rien.
Et
Ionesco comprend alors dans un quatrième temps, que, là
seulement, est la solution de sa condition d'homme,
dans la confiance, et la foi en la toute-puissance de l'amour que
sa raison est incapable de justifier. Là
est la lumière qui peut le sauver des ténèbres,
tout le problème étant de savoir s'il suffit de comprendre
la nécessité de l'amour pour aimer.
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Le Dieu du christianisme
étant amour, qu'en est-il de la relation qu'entretient avec Lui
Ionesco ?
La fouille de ce dernier dans les ténèbres de l'humanité
montre clairement que l'être humain ne se débarrasse jamais
de Lui. Son refus du sentiment, et de Dieu, par voie de conséquence,
ne vise qu'à chercher vainement à le remplacer par un
Etre éternel qui serait une conscience pure comblant son désir
de dominer le monde par l'intelligence. Il ne Le rejette que pour Le
devenir lui-même. Il est alors intéressant de savoir ce
que pense notre dramaturge du problème de la foi, qui le préoccupe
à plusieurs reprises. Trois passages de Présent
Passé Passé Présent surtout, permettent de
préciser son attitude aux heures obscures de sa recherche :
Cette conception de la foi
doit être replacée à l'intérieur de son désir
de la trouver par l'esprit, sans accepter de se quitter, ce qui l'amenait
à chercher à se faire le créateur du Créateur,
le dieu de Dieu par l'intelligence, se perdant dans les ténèbres
des pulsions dominatrices, comme le révèle un autre texte
:
"1967.
Pour la plupart des Modernes, la métaphysique est devenue
inacceptable, elle est à rejeter. C'est parce qu'ils
craignent que la métaphysique pourrait nous mener à
Dieu. On a peur d'être aliéné par Dieu.
Mais Dieu, ou bien "ce qu'il y a derrière",
c'est justement la sève, la puissance, l'énergie
universelle de laquelle nous participons et à laquelle
nous participons.
Pourtant, ce qu'il y a "derrière", c'est celui
ou ce qui produit cette énergie. Il y a tout de même
derrière moi, individu, quelque chose qui semble nous
aliéner ; et c'est l'organisation sociale. Ainsi, pour
l'individu, disons : pour l'âme individuelle, il n'y a
pas de recours au-delà de l'organisation sociale, puisque
l'organisation sociale me transcende, il y a tout de même
une transcendance bien qu'on veuille la nier. En fait, on situe
ailleurs la transcendance, plus bas, dirais-je. Il me semble
clair que si je suis poussé ou déterminé
par l'organisation sociale, le social lui-même ne peut
être déterminé que par la biologie ou par
la mécanique cosmique, ou par une conscience universelle,
ou par le mouvement universel."
(Id., pp. 78-79). |
Il était nécessaire
de citer intégralement ce texte, pour sentir le labyrinthe marécageux
où sombre l'écrivain, en cherchant à comprendre
Dieu Lui-même, à le détruire en le réduisant
à une sorte de conscience universelle, poussé par le désir
qui a présidé à la création du "Roi
se meurt", où, en fait de conscience universelle, le
héros a abouti à son propre anéantissement pur
et simple. Pourtant, cette pièce a été terminée
en novembre 1962, et, cinq ans plus tard, l'auteur est toujours aux
prises avec les mêmes difficultés, ce qui révèle
à quel point l'emprise sur lui des forces du "pour soi"
est puissante. Mais il sent de plus en plus la nécessité
de la foi pour trouver la solution des ténèbres qui l'entourent
:
"Pour
croire que ce que j'appelle le chaos n'en est pas un, il faut
que j'arrive à croire en Dieu qui n'est pas compris non
plus dans aucun des systèmes humains possibles. Ne nous
laissons pas aller, ne nous laissons pas entraîner par
les courants des opinions, des idéologies, des passions
et fanatismes de l'histoire. Mais laissons- nous porter par
les vagues du chaos. Laissons-nous aller sur cet océan
démonté, dans la réalité."
(Id., p. 67). |
Et, dans la mesure où, avec le Vieux de "Jeux
de Massacre", il commence à sortir du chaos des tempêtes,
il semble que Ionesco n'a pas pu trouver l'amour sans Dieu.
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Il
est en effet curieux de remarquer la correspondance existant entre l'enseignement
évangélique et ce que l'auteur comprend de sa condition.
Le tragique provient de la pensée à soi qui est un obstacle trouble
à l'amour, quand, précisément le Christ dit qu'il
faut se détacher de sa vie et la haïr :
"En
vérité, en vérité, je vous le dis,
si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt,
il reste seul ;
s'il meurt
il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd,
et qui hait sa vie en ce monde
la conservera en vie éternelle."
(Evangile selon Saint Jean, la Sainte
Bible, Editions du Cerf, 1956, traduction Ecole biblique de
Jérusalem, 12, 24-25.) |
C'est bien cette
même vérité qui se retrouve chez Ionesco, et qui
fait que toute compréhension de l'univers, même s'il s'agit
d'une logique du chaos comme dans "le Piéton de l'Air",
est un calcul par lequel le héros cherche à trouver la
solution de sa condition, et donc à sauver sa vie, ce qui l'engloutit
dans les puissances criminelles où il la perd. L'écrivain
a tout à fait conscience de l'incohérence de son existence
qui l'empêche à la fois d'aimer les autres et de s'aimer
lui-même :
"Je
suis partagé entre l'amour de moi-même et l'amour
de l'autre. C'est cela mon drame, c'est cela mon enfer. Incapable
de renoncer à moi en faveur des autres, incapable de
renoncer à l'autre en ma faveur. Je devrais me dire,
je devrais être convaincu que ni les autres ni moi-même
n'avons de l'importance. Aucune importance. J'ai beau me le
dire, je ne puis supporter de frustrer les autres de l'amour
que je leur dois. Je ne puis me frustrer moi-même. Enfin,
il n'y en a plus pour très longtemps."
(Journal en Miettes, Ed. Mercure de France, 1967, pp. 212-213). |
De
même, le dépérissement du héros tragique,
face à la vie resplendissante de jeunesse de celle qui l'aime,
ne répond-il pas à la parabole où sont opposés
l'arbre toujours vert et l'arbre desséché ? Et, lorsque Jean, dans "la
Soif et la Faim", ne peut sortir que
du néant pour payer ses hôtes, et essayer de se libérer
de l'enfer de la Bonne Auberge, ne pense-t-on pas au moment où
Dieu doit demander au pécheur ce qu'il a fait de sa vie, si bien
que, comme le pressent Ionesco, c'est l'être humain lui-même
qui choisit son enfer,
en refusant ce qu'il aime pour vivre avec ce qu'il déteste comme le roi du "Roi
se meurt" ? Ainsi donc, le châtiment de Dieu reviendrait
à donner à Sa créature la vie qu'elle a choisie
en lui enlevant les illusions qu'elle s'est faite sur elle-même,
lorsqu'elle n'a choisi de ne vivre que pour elle, et en la mettant brutalement
en face d'elle-même, comme dans "Tueur
sans Gages", ou dans "le
Piéton de l'Air", lorsque Bérenger se trouve
devant l'assassin, ou devant les
colonnes de décapités de l'anti-monde.
Par ailleurs, le jardin merveilleux où vivent Marie-Madeleine
et Marthe, aux prénoms évangéliques, n'est-il
pas le jardin d'Eden ? Car cette échelle
lumineuse qui y est suspendue n'est pas sans rappeler le titre d'un
traité de vie spirituelle : "l'Echelle du Paradis",
écrit par saint Jean Climaque, au VIIème siècle,
échelle qui mène à Dieu par la descente en soi,
et qui est un souvenir de la vision de Jacob.
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Ionesco et
la civilisation judéo-chrétienne,
même chemin ?
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Il
semble désormais qu'il faille aller plus loin et se demander
si l'auteur tragique,
dans l'approfondissement de sa vie qui l'amène à Dieu,
ne fait pas, à lui seul, le chemin que parcourt sa civilisation
depuis le début de son existence. En effet, en ayant compris
l'impossibilité pour l'humain de vivre sous une loi quelconque,
parce que celle-ci exerce une contrainte suscitant une réaction
agressive plus ou moins secrète, et en ayant senti la nécessité
de dépasser la loi par l'amour, Ionesco saisit, dans l'évolution
judéo-chrétienne, la signification du Nouveau Testament,
qui apprend précisément à s'affranchir de la loi
de l'Ancien pour découvrir l'amour dans le don total de sa vie
aux autres.
L'évolution de la méditation de l'écrivain
a paru arriver au fondement du tragique dans "Amédée ou
Comment s'en débarrasser", avec la révolte contre
l'amour qui
laisse l'être humain devant cette alternative irrémédiable
de sa condition : le bonheur dans l'oubli de soi ou les tourments dans
la pensée à soi, par essence agressive, qui précipite
la fin de l'existence. "Tueur
sans Gages", où le tragique est dû à la révolte de Bérenger contre la
mort, n'apporte, en fait, rien de plus, comme le montreront "le
Roi se meurt" et "la Soif
et la Faim", essentiellement. Car ce n'est pas la mort qui
déchaîne les pulsions destructrices, mais l'obstacle qu'elle
représente pour l'intelligence humaine. Et en cela toute finitude
est objet de l'agressivité, c'est pourquoi la femme
d'Amédée qui ne comprend pas l'amour, ne voit que
ténèbres répugnantes dans le sentiment et confond
dans une même révolte l'amour et la mort. Ce qui met l'être tragique "hors de lui"
(l'expression est très éloquente, mais il n'est jamais
vraiment en lui), c'est de se heurter aux limites de son entendement,
alors que, par sa pensée, il se croyait l'Eternel, maître
de l'univers infini. Et, si l'on examine les fondements de la religion
chrétienne, on s'aperçoit que la mort est la conséquence
de la révolte contre l'amour, lui-même source de vie éternelle.
En effet, Satan est cet ange que Dieu a précipité dans
les ténèbres pour avoir refusé d'aimer les humains
qu'il considérait comme des créatures inférieures.
Or Lucifer était le plus beau et le plus intelligent de tous
les anges. En succombant à son orgueil, il s'est perdu par la
foi en cette intelligence qui l'a empêché de reconnaître
qu'il devait tout au Créateur et n'était rien sans Lui.
La mort est une conséquence de la chute due à la révolte
contre l'amour, Satan, lui aussi, devant périr, d'après
l'Apocalypse, à la fin des temps. Cette mort, donc, n'apparaît
plus tellement comme un châtiment, mais comme une suite inéluctable,
puisque, par l'orgueil né de son intelligence, l'être se
coupe de la source de vie, les définitions de son esprit étant
précisément, comme leur nom l'indique, FI-NI-TU-DE,
elles définissent, finissent, l'univers dont il
est partie, et donc le finissent lui-même. Dire que l'homme
a été tenté par Satan n'éclaircit rien,
car il est facile de comprendre que personne n'a pu tenter Lucifer et
que la source du mal est en chacun.
La fouille de Ionesco montre que la force de l'amour
vient de la libre acceptation par chaque créature de sa condition.
Il ne peut y avoir d'amour sans liberté de choix, qui est reconnaissance
et respect de l'existence de l'autre. Et le personnage tragique,
en cherchant à le comprendre, ne fait que transformer cet amour
en amour-propre, en niant l'existence des autres en dehors de lui, dans
son aveuglement. En somme, la créature doit comprendre d'elle-même
la nécessité d'accepter sa condition pour trouver la vraie
lumière, et qu'il n'a pas pu en être autrement : Dieu a
choisi de créer l'univers, mais il faut aussi que sa création
Le choisisse et reconnaisse qu'Il est la Vie. Puisqu'Il a fait l'homme
à son image, les découvertes de Ionesco révèlent
qu'Il ne pouvait pas créer un monde à Sa dévotion,
car Il n'aurait pas été amour mais amour-propre, c'est-à-dire
un être stérile.
Il semble que Dieu vit du don qu'Il fait de Lui à l'univers,
et que ce dernier ne peut subsister que dans la mesure où il
le sent. Par suite, la mort inhérente à la condition humaine
est en quelque sorte une épreuve par laquelle chaque individu
en particulier, et l'humanité dans sa totalité doivent passer, pour dépasser l'ordre fini de l'intelligence
et entrer dans celui, infini, de l'Amour. Il s'agit de passer le cap
de la finitude. Ce qui est vrai de l'humanité l'est sans doute
aussi de toute la création, et la malédiction de Jésus
sur le figuier qui ne donnait pas de fruit, montre que Dieu ne peut
pas pardonner à qui ne donne pas la vie jusqu'à donner
sa vie, comme Lui l'a fait en créant le monde et en se sacrifiant
en la personne de Son Fils. L'univers, lui aussi, a-t-il une intelligence qui le limite ?
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Certes,
ce début de méditation sur la toute-puissance de l'amour
à partir des éléments apportés par le travail
de Ionesco pourrait se poursuivre à l'infini, témoignant
ainsi de la richesse de cette fouille réalisée par l'auteur
à l'intérieur de lui-même, et de la valeur d'une
telle conception du tragique.
Celui-ci
naît à partir du moment où l'individu se tient à
l'un des produits de son esprit et s'enferme en lui, et où il
oublie que son intelligence est la conséquence de son désir,
et que, loin d'être sa force, elle est sa faiblesse dont il doit
constamment se méfier. N'est-ce pas ainsi que le présente
la Bible : les yeux de l'homme se sont ouverts, parce qu'il a cédé
au désir de manger du fruit de l'arbre de la connaissance sur
les instigations du serpent, dans l'espoir de devenir Dieu ?
"La
femme répondit au serpent : "Nous pouvons manger
du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l'arbre qui
est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas,
vous n'y toucherez pas, sous peine de mort." Le serpent
répliqua à la femme : "Pas du tout ! Vous
ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que, le jour où vous
en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux,
qui connaissent le bien et le mal. La femme
vit que l'arbre était bon à manger et séduisant
à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable
pour acquérir l'entendement. Elle prit de son fruit et
mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était
avec elle, et il mangea."
(Genèse, la Sainte Bible, Editions
du Cerf, 1956, traduction Ecole biblique de Jérusalem, 3, 2-3-4-5-6.) |
Et, de fait, l'être
humain n'agit jamais sans croire bien faire, et donc sans se croire
dans la vérité. il doit continuellement faire un effort
sur lui pour comprendre que rien ne l'assure de la valeur de ses actes,
pour ne pas se croire une bonne âme, sous peine de devenir un
criminel qu'il ne soupçonne pas lui-même, comme
les habitants de la cité radieuse. En devenant intelligent,
il a perdu la pureté de la vie du sentiment, c'est pourquoi il
a été chassé du jardin d'Eden. Mais le désir
était en lui avant qu'il ne mange le fruit défendu (l'arbre
était "désirable pour acquérir
l'entendement"), et c'est ce désir qu'il doit apprendre
à combattre en rabaissant sans cesse les prétentions de
son esprit pour comprendre la nécessité d'aimer comme
il a été aimé, et alors il pourra réintégrer
le Paradis perdu, ainsi que Dieu le fait comprendre à Caïn
:
"Yahvé
dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité et pourquoi
ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne
relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n'es pas
bien disposé, le péché n'est-il pas à
la porte, une bête tapie, qui te convoite et que tu dois
dominer ?"
(Genèse, la Sainte Bible, Editions
du Cerf, 1956, traduction Ecole biblique de Jérusalem, 4, 6-7.) |
Ce qui est extraordinaire dans l'oeuvre d'Eugène
Ionesco, c'est de découvrir qu'un homme, animé par la
volonté d'être sincère avec lui-même, et de
ne rien cacher de lui à ses semblables, même ses faiblesses,
son égoïsme, ses fautes tragiques envers lui et envers eux, que cet homme puisse trouver son salut dans
sa réflexion et aide les autres dans la voie où il a (eu)
tant de difficultés. Peu importe que le spectateur ou le lecteur
comprenne exactement la même chose que lui et de la même
façon, ce qui compte surtout, c'est qu'en se penchant dans le
même effort de sincérité sur cette oeuvre, lui aussi
apprenne à se trouver et à découvrir toujours plus
puissamment la richesse de sa vie et de celle de ses semblables.
Il semble que c'est ainsi que le dramaturge envisageait le sens de son
travail, dans la période sombre de sa recherche où il
ne parvenait pas plus à s'oublier qu'à oublier les autres
:
"Si
cela a pu aider quelqu'un à diminuer son angoisse, à
accepter son destin, ce serait pour moi une joie, un soulagement,
une justification. Si cela avait pu être une leçon
pour les autres, cela m'encouragerait peut-être à
penser qu'il se pourrait que je profite de ma propre leçon." (Journal en Miettes, Ed. Mercure de
France, 1967, p. 147). |
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Ici finit ce mémoire
de maîtrise terminé en juin 1971, entre la création
de "Jeux de Massacre",
le 11 septembre 1970, et celle de "Macbett", le 27 janvier
1972 (*). Quelques passages ont été
légèrement modifiés, pour placer cette étude
dans la perspective de l'ensemble de l'oeuvre théâtrale
de Ionesco, puisque quatre pièces ont encore succédé
à "Jeux de Massacre".
Il nous reste maintenant à voir dans ces dernières pièces,
si le dramaturge emboîte le pas au Vieux de "Jeux de Massacre",
c'est-à-dire s'il continue de progresser dans le monde de l'amour
où il a enfin mis un pied avec ce personnage, s'il nous montre
comment combattre les prétentions tragiques de l'esprit, s'il profite
de sa propre leçon qui fut une leçon pour l'auteur de
ces lignes, cf. #sic, ce qu'il a su, un exemplaire de ce mémoire ayant été envoyé
à son éditeur. Ou bien s'il a rechuté dans la grisaille
et si, au contraire, 1971 ne fut pas dans son oeuvre une date charnière,
précédant un repli de l'écrivain sur lui-même.
(*) Curieusement,
par rapport à la relation ténèbres/lumière
qui sous-tend l'oeuvre de Ionesco, le 11 septembre 1970, jour de la
création de "Jeux de Massacre",
est une date annonciatrice des ténèbres fulgurantes d'un
autre jeu de massacre, celui du 11 septembre 2001, par contre, le 27
janvier 1972, jour de la création de "Macbett", est
un lumineux 216ème anniversaire : celui de la naissance de Mozart,
le 27 janvier 1756.
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