Il placera en effet dans le monologue de son Macol, une partie de la
tirade de Malcolm à Macduff.
Ainsi, chez Shakespeare, Malcolm veut éprouver son partisan Macduff,
noble d'Ecosse désirant le faire monter sur le trône de
son père. Pour ce faire, il se présente comme le pire
fléau que la terre puisse porter :
"-
Malcolm : Mais, après tout, quand j'aurai écrasé
ou mis au bout de mon épée la tête du tyran,
ma pauvre patrie verra régner plus de vices qu'auparavant;
elle souffrira plus et de plus de manières que jamais,
sous celui qui lui succédera.
- Macduff : Quel sera donc celui-là ?
- Malcolm : Ce sera moi-même! Moi, en qui je sens tous
les vices si bien greffés, que, quand ils s'épanouiront,
le noir Macbeth semblera pur comme neige; et la pauvre Ecosse
le tiendra pour un agneau en comparant ses actes à mes
innombrables méfaits."
(Macbeth, Shakespeare, Editions Garnier-Flammarion,
traduction de François-Victor Hugo, 1964, p. 299).
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Devant la noble émotion suscitée en Macduff par ses propos,
Malcolm comprend que ce dernier est sincère et ne vient pas à
lui en traître, il se rétracte et se montre digne de son
père :
"-
Malcolm : (...) dès ce moment,
je me remets à ta direction et je rétracte mes
médisances contre moi-même ; j'abjure ici les noirceurs
et les vices que je me suis imputés, comme étrangers
à ma nature. Je suis encore inconnu à la femme
; je ne me suis jamais parjuré ; c'est à peine
si j'ai convoité ce qui m'appartenait ; à aucune
époque je n'ai violé ma foi, je ne livrerais pas
en traître un démon à un autre ; j'aime
la vérité non moins que la vie; mon premier mensonge,
je viens de le faire contre moi-même. (...)"
(Id., p. 301).
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Chez Ionesco, il n'en est rien. Macol ne revient aucunement sur l'horrible
image qu'il donne de lui-même, si bien qu'à la fin de sa
tirade, il ne reste plus personne autour de lui. Tous ceux qui l'entouraient
ont disparu dans "des murmures de réprobation, de désespoir,
de stupeur" (cf. p. 1112) et lui-même
disparaît dans la brume.
Celle-ci, une fois dissipée, un chasseur de papillons traverse
le plateau, dérision s'accordant avec la présentation
que Macol a faite de ses premiers descendants : les Pieds Nickelés,
et... Ionesco lui-même !
"-
Macol : Je reprendrai le nom de
Banco et je fonderai une dynastie nouvelle qui règnera
pendant des siècles. La dynastie Banco. Je serai Banco
II. Voici les premiers descendants qui me succèderont
: Banco III (On voit apparaître les têtes
des pieds Nickelés, successivement, d'abord Filochard),
Banco IV (tête de Ribouldingue),
Banco V (tête de Croquignol), Banco
VI (tête de l'auteur de cette pièce,
riant, la bouche grande ouverte)... et il y en aura des
dizaines d'autres."
(Macbett, Ionesco,
Editions Gallimard, Théâtre complet, bibliothèque
de la Pléiade, 2002, pp. 1109).
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