Réponse d'un musicien, vidéaste, écrivain à ses heures (Alain BOUHEY)
Permettez-moi de partir de mon expérience musicale, qui, sur ce sujet, passe où le verbe casse. (Les chiffres entre parenthèses conduisent à l'exposition "Chromophonie Scriptorale", réalisée avec l'improvisateur-compositeur peintre Yochk'o Seffer, sur le thème de l'évolution créatrice, et au fichier "Utopie ?".)
En musique, donc, trois activités, correspondant à des formes d'esprit, sont nées de la tradition orale : la composition, l'interprétation, puis, l'improvisation.
Les deux premières sont liées, la troisième se situe diversement par rapport à elles : elle peut aller dans leur sens (on peut improviser du Mozart), mais elle peut aller aussi, à contre-sens, jusqu'à les détruire et transformer (1). C'est à cette possibilité que nous nous intéresserons.
Cela fait donc trois formes d'esprit : composition-interprétation / improvisation, agissant en quatre temps : composition-interprétation / destruction-transformation.
La composition fixe la musique par l'écriture (2), l'interprétation fait revivre la musique fixée par l'écriture, en en cherchant le parachèvement (3), l'improvisation se libère de l'écriture pour aller ailleurs (4).
Ajoutons, que, comme vous le voyez sur les schémas (2), (3) et (4), composition-interprétation fonctionnent en élévation, et improvisation en ouverture, donnant un nouvel oral, source d'inspiration pour une nouvelle composition-interprétation, entraînant une nouvelle destruction-transformation, etc... (5).
En enchaînant quatre compositions-interprétations et quatre destruction-transformations, les unes aux autres, on parvient, à partir de la pyramide compositionnelle de départ, à une grande pyramide inversée, englobant 16 pyramides intermédiaires, où l'énergie-lumière de l'inspiration s'ouvre en s'élevant, au lieu de se fermer comme dans la pyramide à l'endroit. Je l'appelle SCRIPTORAL (6).
Nous arrivons, là, à votre sujet, car ces formes d'esprit de composition-interprétation / destruction-transformation se retrouvent à tous les niveaux de la société, des plus matériels aux plus spirituels.
Les remarquant, d'abord, dans la trimourti indoue (Brahma le Créateur, Vishnu le Parfait Interprète, Shiva, le Destructeur-Transformateur), je pensai qu'elles devaient se retrouver dans l'enchaînement judéo-christiano / islamique. Effectivement :
la Bible est un livre composé qui filtre le verbe des prophètes. Le Nouveau Testament du christianisme s'en présente comme le parachèvement.
Judaïsme et christianisme sont des religions d'élévation : élévation (typique
de la composition-interprétation) de l'esclave libéré
qui relève la tête, élévation sur le bois de Jésus crucifié, son Ascension, l'Assomption de sa mère chez les catholiques... Elévation, aussi, par les Ecritures filtrant le verbe prophétique, ce que leur reproche le Coran (7),
Le Coran, par contre, saisit le verbe du prophète dans son jaillissement spontané, improvisé, en refuse la mise en question (8). Pour Lui, comme pour les improvisateurs,
l'écriture n'est qu'une simple servante, fixant intégralement ce verbe, pour se le remémorer et le réciter. Elle ne doit pas le discuter.
Comme l'improvisateur encore, vis à vis du thème qu'Il contre, le Coran respecte les Livres sacrés juif et chrétien (9), mais en détruit et transforme l'essentiel : les deux Pâques (10),
refaisant à sa guise l'histoire du peuple juif (11).
Ce faisant, Il met en évidence
le retour au sol, touché du front à chaque
prière, et donc la descente-remontée, typique de la destruction-transformation improvisatrice (12), emmène ailleurs, et ouvre, en s'opposant à l'élévation judéo-chrétienne et en s'en libérant.
D'un côté donc, Maître, mise en question (13) du verbe prophétique jusqu'à la crucifixion, par laquelle on s'élève jusqu'à la résurrection (14) ; de l'autre, spontanéité fulgurante de la contradiction (15), par laquelle on ouvre jusqu'à la libération de l'élévation précédente. Le tout en un cycle de quatre temps, dont l'un est formidablement destructeur (1) :
Quatre, donc, de ces cycles me menèrent à l'inversion pyramidale de l'énergie-lumière du pouvoir créateur, à une époque, les années 90, où fut érigée une pyramide inversée sous la pyramide du Louvre, et suggérée une autre dans le plafond de la cathédrale d'Evry.
Des mois (ou des années ?) après avoir terminé ce graphique, j'eus la surprise de découvrir, dans l'Apocalypse de Jean, que la Jérusalem Céleste était l'épanouissement de la Jérusalem messianique cubique. Or, une pyramide tronquée inversée est l'épanouissement d'un cube.
Ma surprise ne s'arrêta pas là, puisque je découvris que, dans mon croquis original, les côtés de base de la pyramide tronquée, ainsi que ses hauteurs étaient tous égaux, comme dans un cube, et, de plus, égaux... à 36 millimètres, c'est à dire à une échelle de 1 millimètre pour une coudée, par rapport à la donnée de Jean - longueur de la muraille : 144 coudées, soient 4 fois 36 - (cf. hauteurs AB et CD, et arc BC, sur le graphique joint, (16)).
J'en déduisis que cette pyramide inversée de lumière pouvait être la Jérusalem Céleste, d'autant que la description de ses portes et artères pouvait s'adapter parfaitement à mon dessin.
J'appelai Arbres de Vie, les enchaînements (trans)formation-composition-interprétation / destruction.
Et je découvris une confirmation scientifique de ma découverte, dans le livre de Carl Johan CALLEMAN (Alphée, 2010) : l'auteur y démontre que l'axe central de l'univers en forme de vrille, correspond à l'Arbre de Vie des Anciens, et apparaît comme un halo tri-dimensionnel, se reproduisant à de multiples échelles dans l'univers : si on en joint les extrémités, on obtient, en effet, l'enchaînement (trans)formation-composition.
EN CONSEQUENCE :
Il est deux façons d'envisager la destruction et la guerre.
L'une anéantit autrui : elle est abominable, source de ténères et de barbarie. Ce n'est pas celle du Coran, car le Livre d'Allah respecte les Livres sacrés qui l'ont précédé et demande, qu'on Le respecte, Lui, à l'égal de Ceux-ci, à titre parfaitement juste, ainsi que le montre la recherche scriptorale (9).
L'autre rend hommage à autrui : c'est celle des improvisateurs, qui conduit à SCRIPTORAL, qui fait de l'opposition complémentaire judaïsme-christianisme / islam, un Arbre de Vie. Elle consiste à s'opposer et à détruire, non pas l'autre, mais sa copie, l'image que l'on s'en fait, soi-même à la limite. Et cette guerre-là est source de lumière et d'amour, elle est sainte, partie intégrante d'Arbre de Vie. C'est le "Grand Jihad", qui "invite les musulmans à combattre afin de s'améliorer ou d'améliorer la société" (Wikipedia).
Exemple : un peintre obsédé par le sourire de la Joconde et souhaitant s'en libérer, n'a pas le droit de prendre un pavé et de le balancer sur le célèbre tableau. Par contre, il peut, tout à fait, se procurer une copie de la toile, ou même la mémoriser, la détruire et transformer à sa guise, en faire du Picasso, ou, mieux : du lui-même !
Comme vous le voyez, Maître, les réponses aux questions que vous avez posées à votre interlocuteur imam étaient loin d'être évidentes. C'est peut-être, tout simplement, la raison pour laquelle il vous parut être "un garnement surpris la main dans le pot de confiture !!!", auquel cas, il n'avait rien d'un émule de Ben Laden...
Si vous voulez en savoir plus sur cette forme de relation scriptorale, nous venons de terminer, avec le Groupe Scriptoral ABS, le DVD "Les 17 Saisons" : il conte cette histoire, à travers musique, peintures, vidéo-création, texte et sculptures sonores. La présentation s'en trouve en... 17.
Cordialement.
Alain BOUHEY