Monsieur Chevènement :
Dans votre interview du 07.10.2019, où vous répondiez à Ruth Elkrief, sur BFM TV, vous constatez que « l’immigration, qui se passait à peu près bien depuis le XIXème siècle, jusqu’en 1970, ne marche plus » parce que, depuis, dites-vous : « l’intégration ne marche plus (…). Elle est en panne, les communautés se juxtaposent sans accepter de vivre selon la loi commune, qui est la loi républicaine. Le principe de laïcité est bafoué. L’égalité homme-femme, on ne connaît pas… ». Vous constatez, dites-vous encore :« ce que Jérôme Fourquet a décrit, c'est-à-dire une archipelisation de la France : la société française se fragmente, certaines communes sont devenues de véritables enclaves dans le territoire national, où la loi républicaine ne s’applique plus, où on peut mettre, par exemple le voile à des petites filles de 7 ans ou de 8 ans, et c’est accepté. »
Vous ajoutez que ce qui est en cause, c’est la continuité de notre nation, contre laquelle et contre les symboles de laquelle : « Il y a un ressentiment obscur, une sorte de haine (…), qui se manifeste chez un certain nombre d’individus ». Et de citer Mickael Harpon : « passé à l’islam radical, qui devrait nous préoccuper parce qu’on ne peut pas l’ignorer (…) Ce Harpon, pourquoi tue-t-il avec un couteau de cuisine, ses quatre malheureux collègues ? Il y a bien quelque chose, il y a une histoire, il y a un ressentiment. Ce que je mets en cause, c’est cette forme de radicalisation qui fait qu'on importe en France, des sentiments dont on croyait avoir fait définitivement litière, avec la République, la loi de 1905… une forme de racisme. Il y a des réunions de racisés, dont on exclut les blancs. Il y a une forme de religiosité extrémiste qu’on ne connaissait plus. Il y a des guerres de religions possibles, donc, c’est pour prévenir ces guerres de religions, à l’horizon, qu’il faut avoir une politique de contrôle des flux migratoires et, je le répète d’intégration de ceux qui veulent réellement devenir français. »
En somme, en dehors du contrôle des flux migratoires, le seul remède que vous voyez pour rétablir la situation de la France (votre réponse est claire), c'est : l’intégration, quelque soit l’obscurité du ressentiment contre la France, quelles que soient les questions que posent les Mickael Harpon. Comment, Monsieur Chevènement, pouvez-vous donner une réponse aussi claire que l'intégration à des questions que vous reconnaissez pour vous obscures, quand tout est possible, même des guerres de religion, dont vous croyiez que la République « avait fait litière » avec sa loi de 1905, autre erreur, autre obscurité ?
Toutefois, même en vous en tenant à la nécessité de reprise de l'intégration, vous avez conscience de la nécessité d'un désir à double sens. « Pour qu'elle reprenne, dites-vous,
« il faut que les étrangers, qui veulent devenir français en aient vraiment envie (...)
« Il faut aussi que la France soit accueillante, qu’elle combatte les discriminations, qu’elle soit un pays de justice, d’égalité, et qu’on les traite comme des citoyens, à égalité avec tous les autres,
« donc si ces deux attitudes se manifestent, à la fois l’envie de devenir français et l’envie d’accueillir de nouveaux citoyens, et de continuer la France, parce que, ce qui est en jeu, c’est la continuité de notre pays, si ces deux sentiments se manifestent et se joignent l’un à l’autre, alors, à ce moment là, on sortira de la panne de l’intégration, l’intégration reprendra ».
Non, Monsieur Chevènement, l'intégration ne reprendra pas, simplement, avec ce double désir. Si celui-ci est nécessaire, il n'est pas suffisant, car il faut qu'il s'accompagne d'une connaissance, elle aussi à double sens, une connaissance qui soit une véritable co-naissance, où musulmans et républicains français renaissent ensemble à la vérité nouvelle d'une civilisation judéo-christiano / islamique. Or, lorsque vous avez présidé la Fondation pour l'Islam de France, vous avez, dites-vous, « toujours cherché à éviter les surenchères, à faire en sorte qu’il y ait une meilleure connaissance et une meilleure appropriation par nos concitoyens musulmans de ce que sont les valeurs de la République, qu’ils sachent que la laïcité n’est pas une laïcité punitive, mais une laïcité qui sépare le religieux du politique et du social, par conséquent, qui les amène à comprendre eux-mêmes leur religion, non pas comme une religion qui exclurait les mécréants, que seraient tels ou tels, mais comme une religion de tolérance ». En fait, vous demandez aux musulmans de connaître les valeurs de la République pour savoir ce que doit être leur religion, tout cela, sous couvert de LU-CI-DI-TE et de LA-Ï-CI-TE. A aucun moment, vous n'envisagez que la République Française puisse s'enrichir d'une connaissance laïque de l'Islam, et si vous approuvez la tenue du débat décidé par le Président Macron, c'est pour « faire bouger les mentalités », entendez musulmanes, dans le sens de la seule issue que vous envisagez : l'intégration.
Oui, « il faut faire bouger les mentalités », mais pas seulement musulmanes, aussi républicaines, pour qu'elles co-naissent l'une avec l'autre, en sortant d'une conception bien trop étriquée et timorée du principe de laïcité,
tout en restant neutre,
en garantissant la liberté de culte,
en proclamant la liberté de conscience,
et en ne plaçant aucune croyance au-dessus des autres.
Pourquoi tant de peur ? parce qu'on ne cherche pas à connaître l'Islam, parce qu'au nom de notre principe de laïcité, nous nous interdisons de créer une passerelle entre les formes d'esprit des créations divines et humaines, de composition-interprétation / destruction-transformation improvisatrice respectueuse, à partir du premier cycle créateur.
Si nous créons cette passerelle, nous nous rendons compte de la nature exacte des problèmes en question, qui nous empêchent de nous rencontrer, les musulmans et nous, en vérité. On s'aperçoit alors qu'on est bien loin des problèmes de foulards ! Ainsi, on s'aperçoit, en ouvrant le Coran, qu'il est destructeur-transformateur des Pâques juive et chrétienne, cf. L'ISLAM EN REPONSE A L'ISLAM EN QUESTION. Qu'il s'oppose à la composition-interprétation judéo-chrétienne,
comme le Yin chinois s'oppose au Yang,
comme Shiva s'oppose à Brahma-Vishnu,
comme la destruction créatrice de Schumpeter s'oppose à la création de perfectionnement ;
le problème, pour qu'elle soit totalement légitime, étant de savoir si la destruction-transformation coranique, qui va dans le sens de l'évolution créatrice, est respectueuse de l'original judéo-chrétien dont elle part. Dans ce cas, il y a, pour tous les croyants judéo-christiano / islamiques, cet original, selon lequel les hébreux sont arrivés en Terre Promise et selon lequel Jésus est mort en croix et ressuscité, et il y a, s'opposant à cet original, la vérité coranique, qui dit le contraire. Et c'est bien, parce que ça va dans le sens de l'évolution créatrice, en créant l'ouverture de l'improvisation radicale, par rapport à l'élévation de la composition-interprétation, ouverture qui va permettre qu'une nouvelle composition-interprétation judéo-chrétienne s'élève sur le pré carré qu'elle a défriché.
Cet original, nous pouvons le voir dans le verset 130 de la seconde sourate du Coran : « Dites : Nous croyons en Dieu et à ce qui a été envoyé d'en haut à nous, à Abraham et à Ismaël, à Isaac, à Jacob, aux douze tribus, aux livres qui ont été donnés à Moïse et à Jésus, aux livres accordés aux prophètes par le Seigneur, nous ne mettons point de différence entre eux et nous sommes résignés à la volonté de Dieu, »
Pour qu'il y ait, Monsieur Chevènement, cette tolérance des musulmans pour les chrétiens, il ne faut pas penser, qu'elle viendra d'une bonne compréhension du principe de laïcité, il faut que ce principe de laïcité permette, aux judéo-chrétiens comme aux musulmans, de savoir s'ils ont, tous trois, une place dans l'évolution créatrice et quelle est cette place. Or, il semble que, avec la meilleure volonté du monde, les musulmans, dans l'état actuel des choses, ne puissent que considérer les judéo-chrétiens comme des mécréants. En effet, selon le livre L'Islam en Question du Père Noël Tanazacq, édité par Liberté Politique, l’Islam n’est pas né en Arabie, mais en Syrie du nord. Il provient d’une rencontre entre une secte d’origine judéo-chrétienne : les judéo-nazaréens, messianistes, et la tribu arabe des Qoraïchites. Pour les judéo-nazaréens, Jésus n’était pas Dieu, mais il était le messie, qui instaurera, sur terre, le Royaume de Dieu (p. 28). Les judéo-nazaréens (des « purs ») rejetaient les juifs rabbiniques (des « impurs »), qu’ils qualifiaient de « recouvreurs », pour ajouter le Talmud à la Torah, et les chrétiens, qualifiés « d’associateurs », pour ajouter à Dieu, un Fils et un Saint-Esprit. Ils lisaient la Torah et l’Evangile de Saint Mathieu retouchés par leurs soins. Leur religion s’appelait la Religion d’Abraham, ce fut le premier nom de l’Islam (p. 28). Exilés en Syrie, leur but est de prendre Jérusalem et d’y reconstruire le Temple détruit en 70. Ils avaient besoin d’un bras armé : ce furent les arabes qoraïchites qu’ils endoctrinèrent, en inventant une fable astucieuse (Ismaël, père des arabes) et en leur promettant un fructueux butin… (p. 29). Après la mort de Waraqa, prêtre judéo-nazaréen, qui l’avait marié à sa cousine Khadidja, le commerçant caravanier Muhammad, qui pouvait avoir 25 ans, devient le chef des Arabes ralliés aux judéo-nazaréens (p. 32).
En fait, quand Muhammad dit aux musulmans de ne pas mettre de différence entre le Coran et les Livres envoyés à Moïse et à Jésus, il s'agit, pour ces derniers, de la destruction-transformation irrespectueuse des originaux, opérée par les judéo-nazaréens, irrespectueuse car elle fait disparaître ces originaux, qui, de ce fait n'existent plus. Par conséquent, pour les musulmans, les judéo-chrétiens, qui croient en eux, ne croient, en réalité, en rien. Voilà pourquoi ce sont des mécréants pour les meilleurs musulmans du monde, qui ne peuvent pas respecter leur foi judéo-chrétienne, même pas la tolérer. Pour qu'il y ait cette tolérance, que vous appelez de vos voeux, il faut élargir le principe de laïcité, en faire une passerelle à double sens, allant des non-croyants aux croyants, et vice-versa, et reliant les spiritualités laïques et religieuses dans un respect mutuel des formes d'esprit opposées de composition-interprétation et de destruction-transformation. Concernant l'Islam, il faut qu'il accepte de reconnaître, comme Livres donnés à Moïse et à Jésus, les actuels Ancien et Nouveau Testament, dont il contredit bienheureusement l'idée, la copie qu'il s'en est faite, car il est le Yin quand ils sont le Yang, ce qui va dans le sens de l'évolution créatrice, c'est-à-dire d'une connaissance qui est co-naissance à un monde nouveau, alors que, pour l'instant, ils ne sont qu'un Yin sans Yang.
Alors oui, Monsieur Chevènement, pour que l'immigration fonctionne, il faut, non pas, que l'intégration reprenne, mais qu'elle cède sa place à cette connaissance, qui est : co-naissance, à une République nouvelle, des étrangers et des Français d'origine, co-naissance à une République nouvelle, où la France aura envie d'accueillir les étrangers qui auront envie de devenir français, car elle aura compris la richesse de la diversité.
RETOUR AU MENU