SOMMAIRE MUSIQUE 5eme REPUBLIQUE
Résolution optimale : 1920 pixels x 1080 pixels

     
   
 
 
 


PASSIONNE DE
VIE ET DE MORT

haut de page

François Mitterrand passionné de vie et de mort, car mort
= lieu de la connaissance de la vérité éternelle,
= solution de la quête de la vie,
>>> vivre = préparer sa mort,
>>> gouverner = préparer la mort évolutive de la République gaulliste
(d'autant plus que le gaullisme est déjà mort pour lui en 1971).


Y.- Les deux objectifs annoncés, en 1958, à Roland Dumas par François Mitterrand, sont l'expression-même de sa grande ambivalence...
D.- ...ambivalence sur laquelle tu reviendras,
Y.- oui, et qui en fait un être dont la vie avance par la foi en l'apport complémentaire de la mort, ainsi que le souligne Robert Badinter ("Je l'avais vu dormir ainsi..." (**)) :


"Rarement, en un être humain, le goût passionné de la vie, s'est nourri plus intensément de la conscience aigüe de la mort."


Et cela, sans doute parce que, pour cet homme en quête de savoir, la mort est le lieu de la connaissance, ce qu'il exprime au moins à deux reprises :
d'une part, en Avril 1995, à l'émission "Bouillon de Culture", animée par Bernard Pivot :


"- Bernard Pivot : Que souhaiteriez-vous que Dieu vous dise ?
-François Mitterrand : Je pense qu'Il serait appelé à me dire :
"Enfin, tu sais !" J'espère qu'il ajouterait : "Sois le bienvenu"."


d'autre part, surtout, dans sa dernière préface, rédigée en 1995 pour le livre "La Mort Intime" de Marie de Hennezel (Ed. Robert Laffont) :


"CE QUE LA MORT MET AU MONDE.

(...) de son lit de paralysée, Danièle nous offre un ultime message : "Je ne crois ni en un Dieu de Justice, ni en un Dieu d'amour. C'est trop humain pour être vrai. Quel manque d'imagination ! Mais je ne crois pas pour autant que nous soyons réductibles à un paquet d'atomes. Ce qui implique qu'il y a autre chose que la matière, appelons cela âme, esprit ou conscience, au choix. Je crois à l'éternité de cela. Réincarnation ou accès à un autre niveau tout à fait différent... Qui mourra verra !"
Tout est là en peu de mots : le corps dominé par l'esprit, l'angoisse vaincue par la confiance, la plénitude du destin accompli. "



D.- Sa foi dans la mort est donc bien une foi dans l'accès à la connaissance de la vérité éternelle.
Y.- En effet, et il est à remarquer, qu'annonçant ses deux objectifs finaux à Roland Dumas, François Mitterrand n'y laisse place à aucun programme de gouvernement justifiant la conquête souhaitée, à moins que la préparation de sa mort n'en tienne lieu, dans la mesure où elle prépare aussi celle de la 5ème République.
D.- Tu pourrais même aller plus loin et demander si François Mitterrand n'a pas eu conscience, avec son second objectif, que ce programme de gouvernement était ce pourquoi il était lui-même programmé.
Y.- Tout à fait. Car, aussitôt élu, c'est la vie qui va l'atteler à sa deuxième tâche, ne le laissant, sur ce sujet, que 5 mois tranquille, puisque, dès Octobre 1981, il se plaint de douleurs dans le dos et les jambes, douleurs qui vont l'obliger à aller contre sa propre volonté de chef d'état de transparence médicale sur son état de santé.
D.- Mais, comment aurait-il pu faire partager sa mort à la 5e République ?
Y.- En tuant le gaullisme, c'est à dire l'esprit fondateur de cette République.
D.- Dans ce cas, Charles de Gaulle a pressenti les intentions véritables de son opposant, lorsqu'il lui dit, lors de leur dernier "Face à Face", en 1965 :

 

"Vous voulez donc ma mort, Mitterrand !"
 

Y.- C'est probable. Car François Mitterrand a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d'enterrement du gaullisme ; ainsi, dans Le Monde (***) :


"J'ai commencé ces réflexions en observant que je trouvais de Gaulle plus remarquable par ce qu'il était que pour ce qu'il faisait. Choquerai-je si je répète ici qu'il m'apparaît comme le dernier des politiques d'envergure du XIXème siècle plutôt que sous l'aspect d'un précurseur de l'an 2000 ? Moins d'un an après sa mort, le gaullisme est un passé clos."


Un "passé clos", c'est un passé fini, sans avenir, un passé qui, lui, n'a rien à apprendre de la mort. Tuer le gaullisme, c'est enlever cette limite à la France, lui redonner en bon improvisateur la possibilité d'évoluer, par une connaissance passant par une mort régénératrice.
D.- Cela ne l'empêchait pas de reconnaître, en tout aussi bon improvisateur ne détruisant qu'une composition-interprétation de valeur...
Y.- ...pour s'en nourrir profitablement...
D.- ...cela ne l'empêchait donc pas de reconnaître l'importance du rôle de Charles de Gaulle, "dernier des politiques d'envergure du XIXème siècle"... dans l'histoire du XXème !

 

"De Gaulle ne méritait pas la tièdeur, surtout quand on le combattait." (**)
 

Y.- Tu pourrais aussi citer ce jugement récent (en Janvier 1996) rapporté par Catherine Pégard, dans
"L'Enigme Mitterrand", (*) :

"De Gaulle a joué un rôle immense dans notre histoire. Cela ne me conduit pas à prendre l'attitude d'une oraison perpétuelle".


D.- Deux questions se posent maintenant :
- premièrement, tu as trouvé concrètement, dans Le Point et Le Nouvel Observateur publiés à la mort de François Mitterrand, des analyses confirmant, dans la conduite de la France par Charles de Gaulle, l'image de l'élévation verticale de la composition-interprétation, que tu as mise en évidence dans "Chromophonie Scriptorale", mais y trouvas-tu aussi, dans la politique mitterrandienne, ton image de l'ouverture improvisatrice horizontale ?
- deuxièmement, François Mitterrand a-t-il réussi à tuer le gaullisme et à entraîner la Vème République dans sa mort, pour l'amener à la connaissance de la Vérité ?

HOMME
D'EGALITE HORIZONTALE
(haut de page)

François Mitterrand = homme de l'égalité horizontale
(>>> "juste situation" de la France)
Egalité = centre de "Liberté, Egalité, Fraternité",
devise de la République française),
or, "horizontalisation" de l'élévation aristocratique gaulliste
= suppression de celle-ci ("concentré d'illusions de grandeur")
= suppression de l'esprit premier de la Vème République,
mais suppression autorisée par cet esprit.


Y.- Jean Lacouture, notamment, répond largement à ta première question ("Deux Rois pour une République" (**)) :


"Le débat entre les deux idées de la France qu'incarnent les deux hommes n'est pas clos.
(...) Il faut rappeler quelques contradicitons fondamentales entre le fondateur de la Vème République et son troisième successeur. Contradictions qui ont fait de leur compétition tout autre chose qu'un immense malentendu : un vrai débat entre deux idées de la France, deux façons de la conduire, deux projets pour l'insérer de façon dynamique dans la communauté internationale.
Son idée de la France, de Gaulle la situait dans l'absolu, le superlatif. Mitterrand l'a incarnée dans le relatif.
(...) Pour de Gaulle, surgi du désastre et auto-investi du rôle de rédempteur, la stratégie était fondée sur l'exaltation de la France miraculée, quitte à épouser les méandres du quotidien.
Pour Mitterrand, ces méandres étaient la dynamique même du slalomeur, et, pour périlleux qu'ils fussent, conduisaient bien au but. But qui n'était pas l'exaltation de la France mais sa juste
"situation", ni arrogance, ni humilité."

L'idée de la "juste situation" rejetant l'arrogance du supérieur tout autant que l'humilité de l'inférieur, suppriment les termes d'une relation verticale dans la conception mitterrandienne de la politique internationale, pour amener à l'idée d'un rapport horizontal d'égalité : ni descente, ni montée, mais un "slalom" à plat !
A la différence de Charles de Gaulle qui modelait la France à son image et la tirait vers le haut (le compositeur-interprète), l'amenant à une position dominante en Europe, François Mitterrand a épousé toutes les ambiguïtés et les contradictions de ses compatriotes, ainsi que le dit Laurent Joffrin ("Le Sphinx du 10 Mai" (**)) :

"En cinquante ans d'histoire de France, il a incarné toutes les contradictions, les déchirements, les ambiguïtés de ses compatriotes".

Tout à l'opposé de la pensée unique verticale gaulliste et de sa tyrannie intellectuelle, François Mitterrand, toujours en bon improvisateur (cf. "Chromophonie Scriptorale"), aime la contradiction, rapport horizontal d'idées, quitte à donner raison à ses adversaires, qu'il ménage quand ils sont vaincus. Pour lui, tout est discutable, hors l'Europe, ce qui justifie ses changements les plus radicaux de cap, confirmant qu'il n'a pas le Savoir absolu qu'il attend de la mort (la suppression de la peine de mort, elle-même, paraît donc avoir été une décision sur laquelle il aurait pu revenir) :

- "François Mitterrand compose ses multiples liens avec les forces les plus diverses." (Alexandre Adler, "Les Fils croisés du Mitterrandisme" (*))

- "On retrouvera bien souvent la même souplesse intellectuelle qui le porte à comprendre l'adversaire alors même qu'il s'engage résolument dans la voie contraire, tout en ménageant les hommes qui font le choix inverse du sien."
(Id..)

- "Toujours ménager l'adversaire vaincu." (Id..)

- "En dehors du gaullisme, rien de ce qui est politique ne fut étranger à Mitterrand." (Id..)



HOMME
D'AMBIVALENCE
(haut de page)

François Mitterrand = homme d'ambivalence
(valeur double de toute chose,
cf. symbole de la
double pyramide du Louvre royal,
du
double montant de l'Arche de la Défense)
>>> vie = mort, mort = vie,
>>> présidence Mitterrand :
"fin d'une époque, accouchement d'une autre"
(Catherine Pégard, "L'Enigme Mitterrand" (*) )

Laurent Fabius, l'un de ses Premiers Ministres, est peut-être celui qui a le mieux su rendre compte de cette capacité du Président à embrasser l'opposition des contraires, en parlant de son ambivalence (qualité typique de l'ouverture improvisatrice, comme le montrent plusieurs tableaux de "Chromophonie Scriptorale"), que celui-ci aurait possédée au plus haut degré (curieusement, je m'aperçois que ce mot ne figure pas dans le Petit Larousse de 1952 - 161ème édition -, serait-il venu avec la montée du pouvoir de la gauche improvisatrice ?) :


"
La clé de la fascination qu'il a exercée sur des millions de personnes à travers le monde, c'est son extraordinaire, sa sidérante ambivalence. Je dis bien "l'ambivalence" et non l'ambiguïté en quelque sorte ordinaire. (...) Une ambivalence fondamentale, métaphysique, qui le fait considérer toute chose comme à la fois elle-même et son contraire, toute personne comme à la fois bonne et mauvaise, toute situation comme simultanément tragique et pleine d'espérances. Ambi-valence : valeur double. Une perception chez lui totalement dialectique de la réalité du monde, où les contradictoires coexistent, où les temps transforment le rose en noir (...). Parce qu'il est ambivalence, Mitterrand prétend que tout est possible, il respecte les rapports de puissance et salue ceux qui les établissent à leur avantage, il préfère parfois les thèses de ses adversaires à celles de ses amis." (Laurent Fabius, "Mitterrand ,c'est l'Ambivalence", (*)).


D.- "Il respecte les rapports de puissance et salue ceux qui les établissent à leur avantage..." trouves-tu que c'est ainsi qu'il en a usé avec Charles de Gaulle ?
Y.- Je vais te faire une réponse d'improvisateur : s'il s'est aussi fortement opposé au Général, c'est parce que, précisément, il en reconnaissait la grande valeur, de même que Muhammad détruit et transforme les Pâques juives et chrétiennes, tout en affirmant que le Pentateuque et l'Evangile contiennent la lumière et la direction (Coran V, 72), c'est ce qui me paraît le plus difficile à comprendre dans la complémentarité des formes d'esprit opposées de composition-interprétation et d'improvisation.
Par le fait de cette extraordinaire ambivalence, nul ne pouvait être mieux placé que lui, pour savoir que la mort est vie, et que terminer une époque, c'est en commencer une nouvelle, ce qui nous amène à la question de Catherine Pégard (
"L'Enigme Mitterrand" (*) ), demandant si son "règne" ne représentait pas :

 

"La fin d'une époque, l'accouchement d'une autre ?"
 



SA REUSSITE
(haut de page)

Réussite de François Mitterrand :
son action politique a tué l'esprit de
grandeur aristocratique de la Vème République,
l'a remplacé par celui d'ouverture à toutes les écoutes de l'avocat,
avocat suprême de la République.

D.- Par la même occasion, la question de Catherine Pégard nous amène à celle que je formulai en second : "Mitterrand a-t-il réussi à tuer le gaullisme et à entraîner la Vème République dans sa mort pour l'amener à la connaissance de la Vérité ?"
Y.- Autrement dit : le "passé" gaulliste fut-il "clos" un an après la mort du Général, ainsi que l'annonçait Mitterrand en 1971 ? Ou n'est-ce pas plutôt le double "règne" mitterrandien qui l'a achevé, et de quelle manière (ce qui serait le signe d'une improvisation réussie) ? A moins qu'il ne soit toujours en vie, ce qui serait le signe de l'échec de cette improvisation.
Disant que le débat entre les deux idées de la France incarnée par les deux hommes n'est pas clos, Jean Lacouture paraissait s'opposer à la vision mitterrandienne du gaullisme comme d'un "passé clos". Toutefois, outre le fait que les choses ont évolué, celles-ci ne sont pas aussi simples, car tout dépend de ce que le président socialiste a découvert dans la mort (le gaullisme n'était-il qu'un "concentré d'illusions de grandeur", fini au sens d'anéanti et disparu, ou une véritable réalité de grandeur, finie au sens de point de départ terminé, achevé, d'une évolution du monde par la France, correspondant à l'enseignement de mon graphique des 16/17 pyramides ?

Michèle Cotta conclut sa chronique du 29.4.1999, à 7h 45, sur RTL par ces mots :


"Que reste-t-il de Charles de Gaulle ?
Le goût de la désobéissance et l'écho lointain d'une voix chère qui s'est tue."
 


Ce n'est pas l'adhésion de Charles de Gaulle junior au Front National de Jean-Marie Le Pen, plutôt qu'au RPR gaulliste, ce n'est pas davantage la transformation de ce dernier parti en UMP, Union pour la Majorité Présidentielle chiraquienne, pas plus que l'actuel règne d'une table des valeurs nivelée par la base, qui va la contredire ; règne donnant plus facilement raison à l'agresseur qu'à la victime, où triomphe donc l'esprit d'avocat qui fut celui de François Mitterrand ; règne où est détruite la notion de grandeur et où sont morts ces maîtres dont Charles de Gaulle fut un relais.
François Mitterrand ayant fait, selon Jean Lacouture ("Deux Rois pour une République" (**)), de son opposition au fondateur de la Vème République la pierre angulaire de son action politique, la mort actuelle de l'esprit magistral de ce dernier dans la République qu'il conçut, prouve que l'action du Président socialiste a été couronnée de succès.
D.- Tu penses donc que le "passé" gaulliste n'était pas "clos" en 1971, date à laquelle François Mitterrand le déclarait tel, mais que c'est l'action politique de ce dernier qui l'acheva. Il reste à savoir si cette fin du passé gaulliste est une disparition pure et simple, du fait du manque de réalisme que dénonça son opposant ("concentré d'illusions de grandeur"), ou si c'est l'achèvement d'une partie d'un édifice en cours de réalisation, dont les deux Présidents sont des protagonistes.
Y.- Oui. Mais, auparavant, il convient de voir comment le Président de gauche s'y est pris pour détruire et transformer l'esprit de grandeur du Président de Gaulle dans la Vème République, et quelle est la nature de cette transformation.


(*) Le Point, n° 1217 du 13 Janvier 1996, titrant "l'Enigme Mitterrand".
(**) Le Nouvel Observateur, n° 1627 du 11 Janvier 1996, titrant "1916-1996".
(***) Le Monde du 23 Septembre 1971.
 
^