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D.- Le IVème Président de la Vème République
va donc, dès octobre 1981 (où il se plaint de douleurs
dans le dos et les jambes), cinquième mois de sa conquête
du pouvoir (accomplissement de son premier
objectif de 1958), être amené par sa destinée
- même à contrer une triple thèse :
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sa propre volonté
de chef d'état de transparence médicale sur son état
de santé mise à l'épreuve par la déclaration
de sa maladie ;
la soit-disant
"vérité" médicale, lui annonçant
un maximum de cinq ans à vivre, en en pensant trois, par
la bouche du Professeur Adolphe Steg, urologue de renommée
mondiale, qui, le 16 Novembre au soir, disait, dans la cour de l'Elysée
au Docteur Gubler, au sujet des chances de réussite du traitement
présidentiel :
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""Si
on ne parvient pas à enrayer, c'est quelques mois. De toutes
façons, la moyenne de survie est de trois ans." mais
on parlera de cinq à François Mitterrand."
(*)
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Ce sont enfin
les derniers propos de ce Docteur Gubler, affirmant que, à
partir de 1992-1994, dates de ses deux opérations, François
Mitterrand
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"n'est plus capable d'assumer ses fonctions. Il ne
remplissait plus le mandat pour lequel les Français l'avaient
élu." (*)
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ANTITHESE DESTRUCTRICE
(haut de
page)
"mensonge
d'état" = faux bulletins de santé trimestriels du
Docteur Gubler,
14
ans de vie, au lieu des 3 réellement donnés par la science,
conduite magistrale du mensonge défendu par ses propres opposants,
sur ses capacités à diriger jusqu'au bout
(François Mitterrand étant à la fin "horizontalisé"
par la maladie,
à l'image du pays par son action politique).
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L'antithèse destructrice commence par prendre à parti sa propre volonté de chef d'état,
ce qui n'est pas sans conséquence pour l'état lui-même
et pour son peuple. Le "roi" va, au nom de la raison
d'état, rendre opaque une procédure qu'il avait voulue
de la plus totale clarté, et en faire un "mensonge
d'état" (*),
difficilement justifiable pour le premier septennat, plus du tout
pour le second, si ce n'est par une raison supérieure, cette "raison d'état" dont le Président est
seul juge et comptable devant l'Eternel, qui fera signer pendant dix
ans, et deux fois par an, de faux bulletins de santé par le
Docteur Gubler.
Vivant quatorze ans par rapport au maximum de trois que lui accordait
véritablement la science, il va, par là-même,
détruire la valeur des prévisions d'un urologue de renommée
mondiale, et rendre évidente la faiblesse de la "vérité" scientifique, dans sa chambre, où il mit en concurrence jusqu'à
six médecins, ne craignant pas de recourir aux traitement les
plus divers, y compris aux prescriptions illégales de "l'étrange
Professeur Beljanski" (Catherine Pégard, "L'Enigme
Mitterrand" (**) ).
Et, puisque le rôle de l'improvisation n'est pas de sauver son
honneur, mais de défendre son mensonge, pour sortir des faiblesses
des "vérités" de la table de valeurs
en place, et accèder à une vérité plus
grande, il faut bien reconnaître que, cette défense du
mensonge, François Mitterrand l'a menée d'une façon
magistrale, au nez et à la barbe de ses électeurs, constatant,
sur bien des clichés, ses défaillances physiques ; et
cela, jusque par delà sa mort, où ce sont ses opposants
politiques eux-mêmes, Alain Juppé, Edouard Balladur,
qui le défendront contre le Docteur Gubler, comme nous l'avons
vu précédemment.
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SYNTHESE TRANSFORMATRICE
A TROIS NIVEAUX
(haut de page)
temporel : 3 ans >>> 14 ans 52 jours
physique : sérénité
pascalienne de la fin
<<< "sentiment de la plénitude du destin accompli"
= achèvement spirituel du gaullisme, avenir plombé
de Jacques Chirac ?
psychique et spirituel : éloge de la volonté (Liévin,
1994) :
le psychique plus important que le physique,
valeur de la maladie
qui mène à la mort = vérité,
vérité = d'abord, l'exacte nature de l'erreur aristocratique
gaulliste,
= enseignement pour le chef de l'état comme pour l'état,
>>> conséquence publique de sa mort = conséquence
privée de sa maladie,
>>> amorce de retour à Dieu d'enfant prodigue, accompagné
de la République gaulliste,
scandaleux pour Charles de Gaulle, fils resté toujours avec
le Père ?
en fait, continuation de l'ouverture spirituelle républicaine
de Robespierre,
en rupture avec l'Eglise de Pierre, jugée conformiste.
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La synthèse
transformatrice se situe par-delà le calcul politique humain.
En effet, si on peut ruser avec les médecins, on ne ruse ni avec
la maladie ni avec la mort. Elles frappent quand elles veulent.
D.- Ou quand elles doivent !
Y.- Selon ce qu'on croit. La maladie l'a bien montré, en contrecarrant
radicalement la volonté de transparence médicale du Président,
en l'attaquant dans son ossature, sa charpente, ce que l'humain a de
plus solide, ce qui le fait tenir debout. Elle le couchera, l'horizontalisera,
lui, cet héritier des révolutionnaires qui agirent de
même avec l'aristocratie
à la verticalité trop hautaine,
en la couchant sous le couperet
de la guillotine, lui, qui eut l'audace de vouloir effacer du présent
Charles de Gaulle, comme si cette maladie avait décidé
de révéler par lui, le véritable sens de l'épanouissement
républicain : l'ouverture horizontale, en lui laissant malgré
tout un temps inespéré : |
soir
du 16.11.1981, où le Professeur Adolphe Steg lui dira :
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"Voilà,
mon devoir est de na pas cacher la vérité, vous
avez un cancer qui est diffusé dans vos os et cette diffusion
est importante." (*)
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d'Octobre 1994 à la fin de l'année, selon le Docteur
Gubler :
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"Le Président
ne s'habille et ne quitte sa chambre que pour le Conseil des Ministres
du mercredi." (*)
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Contraint de naviguer à
vue sans être sûr du lendemain, ni de cet avenir que,
selon J. Julliard (Destructeur > Préparer
notre mort) et la symbolique de la pyramide, il a clos à
la Vème République, la synthèse qu'il va réaliser
se situe à trois niveaux : temporel, physique et spirituel.
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Temporellement, il transforme en 14 ans et 52 jours et demi les trois ans réels
maximum de possibilité de survie que lui accorde la science
médicale du plus haut niveau mondial, ce qui lui permet de
briguer un second mandat présidentiel, contre toute attente,
sans même prendre d'avis médical, selon le Docteur
Gubler :
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"François
Mitterrand peut-il se porter candidat en 1988 ? "S'il
m'avait demandé mon avis, je lui aurais conseillé
de ne pas se présenter. certes, il constituait un cas unique,
hors norme, mais il allait dans l'inconnu. Steg estimait que d'avoir
survécu jusqu'en 1988 était déjà prodigieux.
Si le Président lui avait demandé son pronostic,
il lui aurait répondu que médicalement il ne pouvait
rien prédire, mais que le risque était grand.""
(*)
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Or, selon son ancien médecin,
François Mitterrand n'aurait pas demandé leur avis
à ceux qui le soignaient depuis sept ans :
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"Il a persévéré
dans son mensonge, à l'abri de ses bulletins de santé
semestriels. Ce rendez-vous majeur avec le pays lui offrait pourtant
l'occasion de révéler le secret si bien gardé,
de repartir sur des bases claires, de respecter enfin la transparence
médicale qu'il avait voulue et qu'il avait tellement malmenée
jusqu'ici." (*)
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Physiquement, le visage du politique carnassier aux dents longues, se transforme
les derniers temps, s'ouvre dans un sourire empreint de bonhommie
(?) et d'un début de sagesse (voir les dernières rencontres
publiques avec Jacques Chirac), avant la sérénité
"pascalienne" de la fin dont on parlera, confirmant
l'idée que, comme Danièle, dans sa dernière
préface (****),
il paraît avoir, lui aussi, le sentiment de "la plénitude
du destin accompli".
D.- N'oublie pas que le bon improvisateur est le maître du
mensonge.
Y.- C'est pourquoi, j'écris "paraît avoir".
Par ailleurs, n'a-t-il pas, tout de même, toutes les raisons
d'être satisfait . Le sentiment de "la
plénitude du destin accompli",
n'est-ce pas, pour lui, le sentiment d'avoir achevé, "clos" le passé gaulliste ? Quel cadeau ! dans ce cas, que d'avancer
au gaulliste Jacques Chirac, son opposant d'hier, un fauteuil vers
un avenir qu'il a définitivement plombé !.. de se
payer, de plus, le luxe d'obliger ce gaulliste à lui être
reconnaissant, dans l'éloge qu'il lui fera, où, pour
le réussir, on conseilla à Chirac de parler de Mitterrand
comme s'il s'agissait d'un ami ! ce qu'il fit, un ami à qui
il impose d'être plus que gaulliste, d'être lui-même,
ou de n'être plus rien.
D.- Belle réussite ! Monsieur le Président sortant
!
Y.- Sortant... de la vie, en réalisant magistralement son
second objectif : "la préparation de notre mort", sur un plan engageant publiquement son successeur
opposant, héritier spirituel de celui contre qui il fit sa
carrière. Eh oui ! Très belle réussite ! témoignant
d'une politique improvisatrice de la plus fine sorte.
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Psychiquement
et spirituellement, la
force qui lui permettra de presque quintupler le temps maximal que
lui accordait la science, c'est la volonté ; cette volonté
à laquelle se résumera son discours d'adieu aux congressistes
de Liévin, en 1994 ; volonté de vivre mais aussi de
mourir, puisqu'il décidera des trois jours où auront
lieu sa mort, en choisissant le moment d'arrêter le traitement
qui le maintenait en vie, quand il sentit que la clarté de
son esprit allait être atteinte.
D.- En somme, le terrain de la transformation improvisatrice mitterrandienne
commence à se préciser.
Y.- Oui, puisque, ce qui compte, ce n'est pas la santé physique,
et, par voie de conséquence, le corps, la matière,
le matérialisme... mais la santé psychique, les forces
de l'esprit, ainsi que le remarque Jean-Yves Boulic (*)
:
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"Il ne nous appartient
pas de trancher. Simplement de constater que la science médicale
est impuissante à déterminer l'espérance
de vie d'un malade, que François Mitterrand ne s'est pas
comporté comme un malade, au moins jusqu'en 1992, et qu'il
avait bien raison de croire aux "forces
de l'esprit", puisque, condamné par la science
dès 1981, à trois ans de survie, il était
encore parmi nous au début de l'année 1996..."
(*)
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Cela va même aller beaucoup
plus loin : dans cette république où l'Eglise est
séparée de l'Etat, il réintroduit, par le biais
de sa maladie, le problème de la spiritualité, de
la lumière du savoir dans la mort, et, par là-même,
de l'immortalité de l'âme, dont le premier introducteur
républicain fut... Robespierre. Il transforme donc la nécessité
insuffisante de transparence sur un état de santé
physique, en nécessité suffisante de clarté
spirituelle, d'où sa réponse à Bernard Pivot,
selon laquelle il pense que Dieu sera appelé à lui
dire, en l'accueillant : "Enfin tu sais !" (Vie
- MORT - VIE > Passionné de Vie et de Mort) réponse
d'improvisateur, qui ne suppose pas la continuation du chemin obscur
dans la mort, mais le flash d'improvisation illuminateur. François
d'Assise, son saint patron qui veillait sur son lit de mort, ne
parlait-il pas du coeur solaire, réunissant son frère
Soleil et sa soeur Mort ? Et sainte Thérèse de Lisieux,
dont il se fit apporter les reliques en voiture (information Radio
Notre-Dame), ne renouvelait-elle pas le christianisme conformiste
de son couvent par la fraîcheur, la naïveté, la
pureté de sa foi et de son âme d'enfant préservée
?
D.- Ces qualités ne te paraissent-elles pas bien loin de
celles de François Mitterrand ?
Y.- C'est fort possible. Mais les extrêmes s'attirent et se
rejoignent, et le propre de l'ambivalence qui transforme le rose
en noir, c'est de faire naître la candeur de la rouerie et
la rouerie de la candeur.
Ce qui est très important, dans cette improvisation, c'est
que la cible qu'il a détruite, était sa volonté
de chef d'Etat, représentant par là-même, la
volonté de l'Etat et du peuple français, de sorte
que son parcours initiatique dépasse le cadre de sa personne
privée, pour concerner celui de sa personne publique, et
par là-même la nation tout entière qu'elle représente.
C'est ainsi qu'il emmène avec lui la République, Vème
du nom, dans l'intimité de son aventure spirituelle mortuaire,
par son secret d'Etat / mensonge d'Etat si virtuosement défendu.
Catherine Pégard ( "L'Enigme Mitterrand",
(**))
a bien senti cette dérive vers la monarchie cette fois absolue,
où "l'Etat, c'est moi" tendait à
devenir "moi, c'est l'Etat" :
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"Avec François
Mitterrand, tout se mêle. La France marmoréenne est
devenue quotidienne. Il en a même fait le témoin
de sa longue maladie. Le deuil a des côtés intimes."
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S'étant lui aussi,
comme la République, séparé de l'Eglise qu'il
juge trop conformiste, ne dirait-on pas qu'il entame, avec cette
République, un retour à Dieu d'enfant prodigue,
au grand désarroi du fils resté toujours avec le
Père, sans doute pas étranger à ce Charles
de Gaulle, pour qui son troisième successeur fut d'abord
un "arsouille" ; un fils qu'il ne cessera probablement
pas de choquer dans l'au-delà, jusqu'au jour des funérailles
royales qu'il s'ordonna, où son chien (le "frère
animal" de Saint François d'Assise ?) participa
au cortège funèbre, et où son épouse
ne craindra pas de faire figurer à ses côtés,
le fruit et la compagne d'une petite partie de sa vie licencieuse,
la fille et la maîtresse qu'il s'était déjà
permis de loger à l'Elysée que sa femme n'habitera
pas ?
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