Cette pyramide inversée paraît donc très loin d'être anodine. Née
du passage 16 / 17, elle résout justement une coupure signalée depuis
les pythagoriciens par le nombre 17 entre 16 et 18, coupure qui est au
coeur-même de l'Histoire de la France, et cela par une relation des
formes d'esprit de composition-interprétation et d'improvisation, dont
la difficulté est soulignée par Platon, si l'on voit, dans l'esprit du
Même, celui, conservateur, de la composition-interprétation (nos
conservatoires, où il exerce musicalement, le disent explicitement), et
dans l'esprit de l'Autre toujours autre, celui, progressiste et
destructeur-transformateur, de l'improvisation, qui se fourvoie
actuellement dans les conservatoires, quand il devrait oeuvrer dans des "transformatoires ".
Cette
pyramide est d'autant moins anodine, que, dès le départ, elle me montra
qu'elle était au coeur de l'hindouisme, avec sa trimourti réunissant
Brahma le Créateur (le compositeur ?) Vishnu le Parfait
Interprète et Shiva le destructeur-transformateur, ce qui
m'amena à regarder ce qui se passait dans nos trois religions
révélées.
Je vérifiai que la Bible du judaïsme est un livre composé,
qui met en question et filtre le verbe prophétique, c'est donc un temps
de composition en attente d'interprétation messianique parfaite,
et un temps libérateur par élévation, la Pâque juive célébrant la
libération du peuple hébreu de l'esclavage, libération lui permettant de
relever la tête.
Le
christianisme se présente comme le temps de
l'Interprétation achevée de l'Ancien Testament, disant le Verbe
incarné de Dieu ressuscité de sa crucifixion, qui n'est autre que la
forme de "script" adaptée à son incarnation. La Résurrection glorieuse
du Christ dans la totalité de sa chair, pour la fête de Pâques
chrétienne, est la preuve que son "script" n'en a rien retenu,
filtré, car cette chair est parfaitement pure et divine et libre de
toute contradiction. Le christianisme est bien un temps libérateur (de
la mort) par élévation (sur le bois de la Croix d'abord, et par
l'Ascension, ensuite).
Une autre de mes surprises fut de retrouver, dans l’Évangile de
Vérité, mon assimilation de la Crucifixion à une Écriture :
« Il a été révélé dans leur coeur, le Livre
vivant des Vivants, qui est écrit dans la Pensée et l'Intelligence du
Père, et qui se trouve dès avant la fondation du Tout dans Son
Incompréhensibilité, Lui que personne ne pouvait prendre, puisqu'il
est réservé à celui qui Le prendra et qui sera crucifié. Personne de
ceux qui ont cru au salut n'a été formé, tant que ce Livre-1à ne fût
apparu. (...) C'est pourquoi est apparu Jésus, il a revêtu ce
Livre-là. Il fut cloué à un bois, il inscrivit la disposition du Père
sur la Croix. O le grand enseignement ! Jusqu'à la mort il s'est
humilié, et la vie (éternelle) le revêt. Après s'être dépouillé des
haillons périssables, il se revêtit de l'Incorruptibilité, ce que
personne ne peut lui enlever... »
Je retrouvai dans l'islam la forme d'esprit
improvisatrice, reconnaissant la valeur de la
composition-interprétation qui le précéda : « Dis aux hommes des
Écritures : "Vous ne vous appuierez sur rien de solide tant que vous
n'observerez pas le Pentateuque, l'Évangile et ce que Dieu a fait
descendre d'en haut. Le Livre que tu as reçu du ciel, ô Muhammad !"
(...) » (Coran, V, 72). Reconnaissance improvisatrice, qui est
celle de la bonne nourriture que l'on va détruire pour la transformer,
en l'ingérant, ce que Muhammad va faire avec les Pâques juive et
chrétienne, qui sont les sommets de ces Livres.
-
Concernant la Pâque juive, célébrant la
libération par Moïse des hébreux esclaves en Égypte, le prophète
laisse entendre que Moïse renvoya tout ou partie de son peuple chez
les pharaons : « Lorsque vous avez dit : "O Moise ! nous ne pouvons
supporter une seule et même nourriture ; prie ton Seigneur qu'il fasse
pousser pour nous ces produits de la terre, des légumes, des
concombres, des lentilles, de l'ail et des oignons; " Moïse vous
répondit : "Voulez-vous échanger ce qui est bon contre ce qui est
mauvais ? Eh bien rentrez en Égypte, vous y trouverez ce que vous
demandez." Et l'avilissement et la pauvreté s'étendirent sur eux,
et ils s'attirèrent la colère de Dieu, parce qu'ils ne croyaient pas à
ses signes et tuaient injustement leurs prophètes. Voilà quelle fut la
rétribution de leur révolte et de leurs méchancetés. » (Id., II,
58).
- Pâques, la libération suprême du christianisme, celle de la
mort par la Résurrection de Jésus-Christ, est pareillement traitée,
Jésus n'ayant pas pu ressusciter, puisque, selon Muhammad, il n'a pas
été crucifié : « Ils disent : "Nous avons mis à mort le Messie,
Jésus fils de Marie, l'apôtre de Dieu." Non, ils ne l'ont point
tué, ils ne l'ont point crucifié, un autre individu qui lui
ressemblait lui fut substitué, et ceux qui disputaient à son sujet ont
été eux-mêmes dans le doute (...) » (Id., IV, 156).
Ces
destructions des points culminants, de ces "Twin Tours" de la
composition-interprétation, que sont les Pâques juive et
chrétienne, vont de pair, comme dans l'improvisation, avec un refus de
toute mise en question du verbe prophétique, considérée comme mal
intentionnée : « Nous avons accepté le pacte des enfants d'Israël et
leur avons envoyé des prophètes ; toutes les fois que les prophètes leur
annonçaient les vérités que rejetaient leurs penchants, ils accusaient
les uns d'imposture et assassinaient les autres. » (Coran, V, 74).
La foi requise est celle du charbonnier : « Lorsqu'on leur dit "Croyez, croyez ainsi que croient tant d'autres"; ils répondent . "Croirons-nous comme croient les sots ?" N'est-ce pas plutôt eux
qui sont des sots ? mais ils ne le sentent pas. » (Id., II, 12).
L'écriture, simple moyen de fixation, ne doit pas être un instrument de
dépassement de nos limites humaines rapprochant de Dieu, car, pour le
Coran, il n'y a pas de lien ascensionnel entre Lui et l'humanité. Jésus
lui-même n'est que le Verbe qu'Il jeta en Marie, et la Trinité,
qui évoque les triangles de connaissance, est niée : « O vous qui
avez reçu les Écritures ne dépassez pas les limites dans votre religion,
ne dites de Dieu que ce qui est vrai. Le Messie, Jésus fils de Marie,
est l'apôtre de Dieu et son Verbe qu'il jeta dans Marie; il est un
esprit venant de Dieu. Croyez donc en Dieu et en ses apôtres, et ne
dites point : il y a Trinité. (...) Car Dieu est unique. Loin de sa
gloire qu'Il ait eu un fils (...). » (Id., IV, 169).
On
retrouve donc bien ici l'ouverture de la transformation improvisatrice
au niveau de la sphère créatrice refusant instinctivement toute possibilité
d'élévation par l'écriture, qui diminuerait l'étendue de son énergie-lumière,
son "oral", par résolution de ses contradictions, car elle
est La Contradiction, et doit être intouchable en tant que
telle. Cela explique la note de Mohammed Arkoun dans le Coran traduit
par Kasimirski (Éditions Flammarion), commentant l'épisode du retour
en Égypte des Hébreux : « On voit par cette version sur le retour
des israélites en Égypte que Muhammad refait à son gré l'histoire
du peuple de Dieu. Nous nous dispenserons, à l'avenir, de relever
les discordances du Coran avec les Livres des Écritures. »
Note : cette page est développée en utopie.htm#exe.
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