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LA FLUTE
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Marcel MOYSE. (Texte
communiqué par le flûtiste David Lodéon, Professeur au Conservatoire
du XVIème arrondissement de Paris.) Marcel Moyse, qui enseigna la flûte
au CNSM à Paris, parle
du vibrato naturel dans "Comment j'ai pu garder ma forme"
(1). Il s'y élève contre le travail technique consistant à cadencer,
à une vitesse plus ou moins rapide les poussées d'air d'un son tenu
pour imiter le vibrato des cordes " : " Ce pseudo vibrato, écrit-il,
cadencé à 3, 4, 5, voire 7 par seconde est indubitablement destiné à
troubler, plus, à détruire aveuglément la signification expressive d'une
phrase musicale, puisque les notes dont elle est constituée n'ont pas
toutes la même (...) importance expressive. "
Marcel Moyse, par contre, porte toute son attention sur la qualité de
la colonne d'air qu'il compare à la colonne d'eau s'écoulant souplement
d'un tube de caoutchouc, du fait d'une pression " judicieusement adaptée
". Aussi souple, cette colonne d'air est " prête à vibrer ", c'est-à-dire
" à développer expressivement " la résonance du beau son qu'elle engendre,
ce qui dépend de la qualité des lèvres, jouant pour l'instrumentiste
le rôle du caoutchouc pour l'eau. Aussi ajoute-t-il : " Par des exercices
spéciaux, assouplissez vos lèvres, disciplinez votre sonorité, jusqu'à
ce que, dans les moments de grâce, vous sentiez que votre son commence
à faire partie de vous-même (comme une sorte de corde vocale supplémentaire)
; essayez, insistez et vous sentirez petit à petit vos poumons; votre
diaphragme, stimulés par votre centre émotionnel, commencer à réagir
au gré de vos aspirations musicales et artistiques. (...) Inspirez-vous
surtout des chanteurs pour le vibrato. "
Philippe BERNOLD.
Première flûte solo de l'Opéra de Lyon et premier Grand prix du Concours
international Jean-Pierre Rampal, écrit dans " La technique d'embouchure
" (2) : " Le vibrato est une manifestation naturelle de l'émotion que
l'on éprouve lorsqu'on joue une phrase musicale. Pour qu'un vibrato
soit satisfaisant, l'auditeur ne doit pas le remarquer : sa présence
rend néanmoins chaque note plus intéressante. "
Gladys BOUCHET. Flûtiste,
professeur au CNR de Rennes: " Le vibrato naturel, dit-elle, n'est pas
un vibrato de hauteur ou d'intonation, mais d'intensité jouant sur la
pression et la vitesse de l'air. Il nécessite de trouver un bon rapport
entre cette dernière qui donne le timbre, et le volume de l'air qui
donne la nuance. Le premier travail se fait pendant trois ou quatre
ans avec un volume égal (nuance " mf " constante), en accélérant ou
ralentissant la vitesse de l'air, ce qui finit en général par entraîner
un début d'ondulation, qu'il faut améliorer, arrondir, en supprimant
les freins venant notamment de crispations de la gorge (fig. 1), jusqu'à
trouver un bon rapport fréquence/amplitude, ce qui suppose d'abord une
bonne poussée abdominale et une bonne retenue par la pince des lèvres
(fig. 2).
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Le vibrato ne se produit ni quand la vitesse de l'air est trop petite,
ni quand elle est trop grande. Il s'accélère avec elle à l'intérieur
de la fourchette située entre ces deux extrêmes, passant par différents
types de timbres correspondant à différentes esthétiques de son. Mozart
est à placer un peu à part avec une amplitude et une fréquence plus
serrées (fig. 3 et 4).
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Fig. 3 : Timbres et vibrato dans l'accélération de l'air
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Fig. 4
: Vibrato Mozart
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Remarque : La vitesse joue non seulement sur le timbre mais sur la
justesse, ce qui nécessite de savoir jouer juste avec ces diverses
sonorités en corrigeant d'autres éléments comme l'angle d'attaque
de l'air sur le biseau.
Nous travaillons la vitesse de l'air à volume égal (" mf ") dans des
exercices sur les harmoniques des notes graves, car la qualité du
son varie d'une façon plus prononcée sur les harmoniques que sur les
notes réelles :
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Nous abordons ensuite le travail sur les nuances, en faisant varier
le volume d'air avec l'ouverture de l'orifice buccal: dans le " mf ",
le vibrato est normal avec un volume moyen et une vitesse moyenne, dans
le " ff " avec un volume maximal et une vitesse minimale (souffle d'air
chaud, exemple du fleuve : beaucoup d'eau au cours lent), dans le "
pp " avec un volume minimal et une vitesse maximale (souffle d'air froid,
exemple du torrent : peu d'eau au cours rapide). Dans le crescendo-descrescendo,
le vibrato doit s'intégrer harmonieusement dans le changement de nuance
(fig. 5).
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Fig. 5 : Vibrato dans le crescendo, augmentation de volume d'air, diminution
de vitesse.
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ANCHE DOUBLE:
LE HAUTBOIS
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Patrick CHAYLADE,
hautboïste, professeur au CNR de Rennes : " Dans les années 50-60, dit-il,
certains hautboïstes mélangeaient mâchoire et colonne d'air dans leur
pratique du vibrato, maintenant, nous employons tous le vibrato naturel.
Per-sonnellement, je fais travailler son acquisition en deux temps :
le premier consiste à forger et à stabiliser la colonne d'air en envoyant
le souffle sous pression avec une sangle abdominale tendue. Pour cela,
nous jouons des sons filés et des arpèges du bas vers le haut, ce qui
augmente progressivement la pression, l'aigu en nécessitant plus que
le grave.
Le deuxième temps est celui du vibrato naturel ou bien celui-ci se produit
de lui-même à force de travailler la colonne d'air, ou bien l'instrumentiste
le provoque par des sons droits qu'il serre, sans aucune action de la
bouche ou de la gorge. Peu à peu, il trouve une certaine vitesse de
vibration en communion avec son rythme cardiaque, et dépendant de chaque
individu. Le vibrato est plus ou moins large ou serré, mais doit toujours
embellir le son, c'est un plus à la colonne d'air.
Les musiques baroques mélangent non vibrato et vibrato, ce qui suppose
un contrôle de la tête pouvant arrêter le vibrato naturel à volonté.
Cela donne de très jolis effets de sonorité. Dans la musique moderne,
l'utilisation du vibrato est plus artificielle parce qu'exagérée en
vue d'effets spéciaux. "
André BERTHEAS. André Bertheas joue hautbois et cor anglais à
l'Orchestre de la Garde Républicaine, il enseigne dans les Conservatoires
d'arrondissement de Paris : " La première condition du vibrato naturel,
dit-il, se trouve dans la liberté de la colonne d'air, à rechercher
dans un travail d'assouplissement du diaphragme. Pour cela, il faut
éviter d'avoir un jeu tendu en permanence, et trouver un enchaînement
tension/relaxation basé sur la structure du morceau écrit : la tension
réside dans le temps fort assimilable à un lancer, la relaxation dans
le temps faible ou retour. On obtient ainsi un jeu de lancer/retour,
de Yin et de Yang, un balancement continuel équilibré, alors que la
tension permanente engendrerait un son dur, bloqué, sans vibrato naturel,
et le relâchement permanent une perte de justesse et un écroulement
musical.
Ce travail doit s'accompagner d'une recherche de résonance sonore, de
son qui résone plus qu'il ne sonne. En lui laissant cette résonance
plutôt que de la tenir, la sonorité sera libre, avec un maximum d'harmoniques.
Sa richesse permettra alors de trouver l'aigu dans les harmoniques du
grave, et de passer de l'un à l'autre avec une aisance de jeu accrue,
en toute facilité de legato et en toute beauté. Il s'agit donc de trouver
le vibrato naturel sans essayer de le provoquer artificiellement, mais
par cette recherche de résonance sonore à travers la souplesse diaphragmatique.
"
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ANCHE
SIMPLE : LA CLARINETTE
(Vibrato "mâchoire" plutôt
que de colonne d'air - N.D.L.R. -.)
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Guy DEPLUS : Soliste
international, professeur à l'ENMP, professeur honoraire de musique
de chambre puis de clarinette au CNSM de Paris, Guy Deplus fut soliste
à la Garde Républicaine et à l'Opéra, et participa à la création du
" Domaine Musical " avec Pierre Boulez. " Le vibrato, dit-il, est un
problème très délicat à la clarinette. Pour les uns, il ne convient
ni au style ni au timbre de l'instrument (c'est le cas des Allemands
dont aucun des musiciens en place ne vibre), pour les autres dont je
fais partie, il donne de l'expression, fait vivre le son plus facilement,
et harmonise le jeu de la clarinette avec celui des autres vents de
l'orchestre symphonique, où flûte, hautbois, basson, trompette, tuba
vibrent de même que certains cors (Baumann en Allemagne, les cornistes
tchèques, etc.).
Par ailleurs, la musique contemporaine demande parfois du vibrato...
En fait, suivant les interprètes, les modes, les époques, il est plus
ou moins utilisé, beaucoup par les Anglais dans les années 40, et par
les tchèques jusqu'à maintenant. Mais chez ces derniers, tout peut évoluer
; un seul des deux cornistes de la philharmonie tchèque vibrait et il
vient de décéder. Quant à la réaction des chefs à son jeu, elle était
partagée : positive côté tchèque, négative côté allemand. Toutefois,
nous avons harmonisé nos vibrations dans un concerto pour deux clarinettes,
sous la baguette du chef allemand Sawallisch qui n'a pas fait de remarque.
Personnellement, suivant les moments, j'en utilise plus ou moins, quelquefois
pas du tout. Je l'ai employé par exemple à la demande d'un partenaire
altiste dans le Trio des Quilles de Mozart, celui-ci m'a dit ensuite
que, bien qu'il n'appelât pas cela un vibrato, mon jeu n'avait jamais
été aussi expressif ! Je l'ai longtemps pratiqué sur la colonne d'air,
mais il est ainsi difficile à maîtriser et à obtenir à la clarinette.
Je me sers maintenant de la mâchoire avec le souci du minimum pour éviter
le " OUA-OUA ", les parasites dans le son et la critique de " style
jazz ". Je ne l'emploie jamais d'une manière systématique et cherche
à garder, comme pour les cordes, une ondulation dans le son qui ne doit
jamais lui paraître extérieure. "
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ANCHE DOUBLE: LE BASSON
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Maurice ALLARD :
Bassoniste qui fut professeur au CNSM de Paris, Maurice Allard enseigna
la pratique du vibrato avec les lèvres, et les spécialistes que j'ai
contactés : Jean-Yves Brand, professeur au CNR de Rennes, Daniel Neuranter,
bassoniste de la Garde Républicaine, m'ont confirmé qu'ils vibraient
ainsi. Leur vibrato, en général discret, est toutefois si caméléon
vis-à-vis de celui des autres musiciens de l'orchestre, que plusieurs
d'entre eux s'y trompent et l'affirment naturel.
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ANCHE SIMPLE: LE SAXOPHONE
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Sous l'impulsion de Marcel
Mule, fondateur de l'École classique de saxophone, le vibrato fut
longtemps essentiellement réalisé à notre instrument avec la mâchoire.
Une association d'action entre les muscles du larynx décrits ci-après
par André Daire, et la mâchoire permet alors d'en accélérer la vitesse
en en réduisant l'amplitude. Remis en question depuis plusieurs décennies,
le vibrato est actuellement en pleine évolution au saxophone; ainsi,
Claude Delangle, actuel professeur au CNSM de Paris, et soliste-international,
l'emploie d'une manière très discrète et non systématique, combinant
souffle et mâchoire.
Roland AUDEFROY : Saxophoniste,
chef d'orchestre au Moulin Rouge, qui enseigna à Rennes et à Chartres,
Roland Audefroy s'initia au vibrato naturel en Amérique du Sud, où
il joua avec l'Ensemble " Los Incas " les Kenâs et flûtes indiennes.
" Ce vibrato-expression, dit-il, est moins évident, plus discret et
plus difficile à réaliser sur notre instrument, sa perce conique nous
procurant une difficulté supplémentaire en descendant à partir du
do médium, et rendant l'effet " diaphragme " plus aléatoire pour obtenir
cette légère ondulation. Mais en la recherchant tranquillement, il
est relativement possible de l'obtenir; encore faut-il la ressentir
et la vouloir dans sa conception d'esthétique musicale personnelle
et son idée de faire chanter la musique. "
Michel NOUAUX :
Premier Prix de Saxophone au Concours International de Genève, Michel
Nouaux fut soliste à la Garde Républicaine, et enseigna dans des Conservatoires
de la région parisienne. Quotidiennement confronté aux musiciens de
l'orchestre, il fut amené à approfondir sa recherche sur l'expression
en faisant chanter son instrument avec un compromis entre le souffle
et la mâchoire, notamment remarquable dans son Introduction de " Magheia
" de Lucie Robert (3). Il propose pour le vibrato une recherche en
trois phases : " Première phase : gammes liées sur trois octaves,
simples, puis en tierces et doubles tierces; nuances : forte et lent,
piano et rapide; embouchure : même pression de lèvres du grave à l'aigu
- Deuxième phase Recherche de vibrations sur des valeurs longues en
alliant souffle et mâchoire inférieure; mezzo-forte; lèvres tendues
- Troisième phase : Recherche de vibration avec crescendo et decrescendo.
Remplir l'instrument d'air avant d'émettre le son : recherche immédiate
d'ondulation par le souffle et enchaînement de ces ondulations par
la mâchoire inférieure lors de l'intensification du son. Inversement
pour le decrescendo. Interprétation : L'amalgame des sons droits et
vibrés est fonction de la culture, de la musicalité et de la sensibilité
de l'instrumentiste, Rôle de l'embouchure : Qualité du son et surveillance
de justesse. "
Personnellement :
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(en 1993), mon adaptation
du vibrato naturel au saxophone (mâchoire immobile) s'est faite
avec un décalage d'un an entre le soprano droit à toucher direct
et l'alto à toucher indirect où il est moins évident. Remarquant,
en faisant passer le soprano de sa position propre à celle de l'alto,
une légère rotation des poignets vers l'intérieur, d'où une fermeture
thoracique contraignante pour la colonne d'air, ma première recherche
fut de transposer à l'alto l'ouverture thoracique et le parallélisme
entre paume des mains et tube du soprano, ce qui suppose d'ouvrir
légèrement les poignets par une petite rotation vers l'extérieur.
Par suite, mon évolution dans la pratique de ce vibrato s'est enrichie
de tous les apports des présentes communications, dont je remercie
vivement les auteurs.
Je conjugue des exercices d'enrichissement du son en harmoniques
avec des exercices simples de phrasé partant de sons droits, dans
lesquels j'augmente souplement la pression d'air intrabuccale en
centrant cet air comprimé sur la retenue des lèvres, ce qui sollicite
à la fois la pression musculaire aux niveaux abdominal, lombaire
et intercostal, et qui amène naturellement le vibrato quand la pression
d'air est suffisante et bien placée. Directement lié à cette pression
dont les fluctuations liées à la vitesse (timbre) et au volume d'air
émis (nuance) expriment le sentiment musical aux instruments à vent,
ce vibrato émotionnel est libéré sans être provoqué, bien qu'il
puisse toujours être provoqué pour répondre aux exigences de la
musique contemporaine.
ADDITIF : Comment je l'enseigne
en 2008/2009 :
Le vibrato naturel est un vibrato de
colonne d'air ou d'intensité.
Sa vitesse fluctue avec celle de l'air, elle-même liée
aux intentions musicales.
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Il est naturel, parce que, une fois déclenché,
Il se fait de lui-même, par un procédé mécanique
fort bien décrit, ci-dessous, par André
Daire. Le musicien qui l'emploie est donc responsable :
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de son déclenchement (décision de jouer vibré
plutôt que droit),
de la liberté qu'il lui offre (pression, souplesse sans
frein de la gorge, centrage de l'air et jeu "en face"
par un lien bouche-toucher),
de ses intentions musicales, sources des diverses formes que
prend ce vibrato.
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C'est un vibrato de
colonne d'air. En effet, la colonne d'air doit être
régie par une pression sans faille pour l'obtenir, pression
provenant des abdominaux et du diaphragme, mais ce vibrato ne
doit pas être ressenti aux niveaux abdominal et diaphragmatique.
Tout se passe dans la gorge (cf. André daire).
Une façon très simple de ressentir ce qui se passe
dans la gorge, quand il se produit, consiste à alterner,
en parlant (sans bouger la tête), une répétition
de voyelles :
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1.- séparées
:
(Fig. 6)
2.- liées :
(Fig. 7)
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Faire ensuite la même
chose en soufflant, en dehors du saxophone, puis dans l'embouchure
et amener le son.
Ces indications permettent de distinguer le mauvais vibrato du
bon : soit une colonne d'air de son droit, à pression et
volume constants de "mezzo-forte" :
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le mauvais vibrato
est celui qui coupe, ou diminue la pression et le volume de
la colonne d'air du son droit initial correspondant :
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le bon vibrato
est celui qui enrichit la colonne d'air, augmente son volume
initial en "mezzo-forte +", dans les ventres de vibration
à pression toujours constante, sans diminuer volume d'air
et pression dans les noeuds :
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C'est enfin un vibrato
d'intensité, dont Gladys Bouchet écrit
ci-dessus :
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"
Le vibrato naturel, dit-elle, n'est pas un vibrato de hauteur
ou d'intonation, mais d'intensité jouant sur la pression et
la vitesse de l'air. Il nécessite de trouver un bon rapport
entre cette dernière qui donne le timbre, et le volume de
l'air qui donne la nuance. Le premier travail se fait pendant
trois ou quatre ans avec un volume égal (nuance " mf " constante),
en accélérant ou ralentissant la vitesse de l'air, ce qui
finit en général par entraîner un début d'ondulation..."
(Gladys Bouchet.)
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En fait, c'est le
volume d'air du "mf" initial du son droit correspondant
qui est constant (Fig. 8), mais dans ce volume d'air de "mf"
constant, les muscles de la gorge (cf. André
Daire) effectuent un balayage qui pousse l'air vers l'avant,
en en accélérant la vitesse au début de la
poussée pour qu'elle se ralentisse ensuite, si bien que,
dans les ventres de vibrations le volume de l'air et la nuance
sont légèrement augmentés en "mf+"
pour revenir au "mf" initial dans les noeuds. Ce balayage
engendre des surpressions qui sont les ondulations et qui
ne doivent pas redescendre en-dessous de la pression du "mf"
initial (quand la nuance est constante).
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Comment le déclencher
?
A
l'émission, former la première ondulation, en
rouge sur la figure 11, par un accéléré/ralenti
de l'air,
et rester en pression à la fin de l'ondulation.
Si, derrière cette ondulation, on reste en pression
(comme pour lier une seconde voyelle), avec vitesse et volume
d'air du son droit initial (figure : 8) le vibrato s'entretient
de lui-même.
S'il y a rupture de pression-vitesse-volume du son droit
de base, il disparaît.
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REMARQUE
: On peut ajouter aux indications de Gladys Bouchet sur les
vitesses du vibrato naturel :
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"Nous
abordons ensuite le travail sur les nuances, en faisant varier
le volume d'air avec l'ouverture de l'orifice buccal: dans
le " mf ", le vibrato est normal avec un volume moyen et une
vitesse moyenne, dans le " ff " avec un volume maximal et
une vitesse minimale (souffle d'air chaud, exemple du fleuve
: beaucoup d'eau au cours lent), dans le " pp " avec un volume
minimal et une vitesse maximale (souffle d'air froid, exemple
du torrent : peu d'eau au cours rapide). Dans le crescendo-descrescendo,
le vibrato doit s'intégrer harmonieusement dans le changement
de nuance (fig. 5)." (Gladys Bouchet).
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que ce dernier
peut aussi être rapide dans le "ff" et lent dans le
"pp", la rapidité dans le "ff" augmentant
la consommation d'air, et la lenteur dans le "pp" la
réduisant.
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Didier ROUSSEL et Michel
LAMARCHE : Trompettistes,
Didier Roussel et Michel Lamarche enseignent au CNR de Rennes: " Chez
les trompettistes, disent-ils, comme chez tous les musiciens jouant
les cuivres, ce sont les lèvres (anches doubles naturelles) qui, en
vibrant, matérialisent le son. Il va sans dire que leur qualité et
leur placement sont capitaux, car du placement dépend la qualité du
son, c'est-à-dire sa richesse en harmoniques. Deux procédés permettent
de produire un vibrato qui l'enrichit encore. Le premier, le plus
facile, s'obtient par un léger mouvement de va et vient de la main
sur les pistons, identique à celui des instrumentistes à cordes sur
la touche, le second par un contrôle de l'air : l'écoute des enregistrements
des années 60-65, de Harry James, et de Raymond Sabarich, ou même
les premiers disques de Maurice André, révèle un vibrato à la limite
exagéré, mais qui fait partie du style de l'époque. En général, il
est produit par les mains sur les pistons. Ensuite, les musiciens
ont arrêté cette pratique pour s'attacher à des sons beaucoup plus
droits. En France, elle est peut-être restée plus longtemps qu'ailleurs.
Maintenant, le vibrato se fait naturellement par la vibration de l'air.
Ce vibrato devra être le plus discret possible. Dans beaucoup d'orchestres,
il est même recommandé de jouer avec un " son droit ", ce qui ne signifie
pas un son plat. Celui-ci peut, en effet, être riche, large et bien
centré, sans l'utilisation du vibrato.
Les cornistes, quant à eux, ne vibrent plus depuis une trentaine d'années,
époque à laquelle ils se sont alignés sur l'école allemande. "
André DAIRE :Trompettiste
qui enseigna de 1979 à 1986 à Rennes (CNR), et professeur à Paris
(ENMP et EMM des Xe et XXe arrondissements), André Daire, kinésithérapeute
à France-Soir de 1960 à 1976, est également spécialiste de la physiologie
et de la rééducation respiratoire : " La mise en action du vibrato
de colonne d'air au moyen de la compression verticale de l'air, résulte
d'un mouvement alterné de dilatation et de constriction au niveau
de l'orifice glottique, et il est complété par une translation des
cordes vocales inférieures qui bordent cet orifice. Ce mouvement est
sous la dépendance des muscles suivants dits intrinsèques du larynx
: le crico-thyroïdien, muscle tenseur des cordes vocales, le crico-aryténoïdien
postérieur, muscle dilatateur de ces cordes, puis le groupe des constricteurs
: thyro-aryténoïdiens supérieur et inférieur, et l'ary-aryténoïdien,
les deux faisceaux de l'avant-dernier constituant la corde vocale
même. Ce mouvement qui doit être imprimé avec douceur, sans secousse,
ni saccade (qui ne doit donc pas briser ou casser l'onde porteuse,
comme le fait le trac par son facteur émotionnel involontaire), ébranle
en une légère agitation la colonne d'air, et lui transmet une sorte
de battement ondulé dont la fréquence peut être variée, modifiée,
ralentie ou accélérée volontairement, selon le type d'instrument et
selon lés particularités morpho-physiologiques et l'évolution technique
de chacun. Lorsqu'il est volontaire, conditionné par une certaine
maîtrise, il peut même s'inscrire sur le même rythme que les battements
cardiaques. Cette colonne d'air ainsi animée pourra alors se charger,
au même titre que notre cœur, des états émotionnels engendrés par
la sensibilité musicale de l'artiste exécutant. Le vibrato ne sera-t-il
donc pas à l'image, en cet instant, de notre organe moteur qui projette
son ondée systolique vers l'aorte pour nourrir notre corps, ne sera-t-il
pas l'aliment vital du son instrumental et le facteur d'un certain
enrichissement du timbre et de la sonorité, s'il est judicieusement,
adroitement dosé?
Cependant, si tous les instrumentistes portaient au zénith leur vibrato
personnel dans un orchestre, il en résulterait une belle " cacophonie
", la disparité des différents vibratos créant de véritables distorsions
de fréquences et nuisant à l'homogénéité de l'ensemble. La production
du " son droit " dans un orchestre assure la cohésion, rend l'ensemble
plus malléable pour le chef, qui réalise mieux ses dosages de nuances
ce qui ne l'empêche nullement de décider d'avoir recours aux vibratos
et de le demander aux parties solistes, ou d'en marquer le texte musical
à des endroits définis. Toutefois, le Quatuor de l'Orchestre National
qui fut dans les années 50 ou 70 au " Top niveau " des formations
internationales, avait réussi à produire en son sein (par de longues
années passées ensemble), un vibrato de même amplitude, de même fréquence,
créant l'unité, qui lui assura un timbre, une sonorité particulière,
baignés d'une chaleur expressive peu commune.
Le vibrato obtenu artificiellement chez les petits cuivres, par les
doigts agitant périodiquement l'instrument, ne peut présenter un rendement
rationnel sur toutes les notes du registre, en raison de l'appui plus
ou moins intensif exercé sur les lèvres par l'embouchure, l'ensemble
devant contenir quelquefois une compression d'air intra-buccale énorme
(du la au-dessus de la portée au contre-ré seulement, on obtient des
trilles instantanés dus à une souplesse labiale très susceptible et
à des harmoniques rapprochés). Cette pratique est donc assez abandonnée
maintenant, mais j'ai connu jadis de bons trompettistes, qui, opérant
de cette façon sur certaines notes, dans un registre restreint, obtenaient
un vibrato non négligeable en qualité. "
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LE TROMBONE
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Yves FAVRE :
Tromboniste, lauréat de Prix internationaux (Vercelli, Prague, Toulon,
Munich), membre de l'ONJ (4) avec Claude Barthélemy, Yves Favre a
fait de nombreuses expériences de musique contemporaine avec Pierre
Boulez et Vinko Globokar en France et à l'étranger. Il est membre
de l'Arban Chamber Brass et musicien " free lance " radio et studio.
Je vibre naturellement sur la colonne d'air, dit-il. Pour être bon,
ce vibrato doit pouvoir être contrôlé. Cela suppose, d'une part, de
savoir le supprimer en jouant droit, et, d'autre part, d'arriver à
le produire sans jamais le forcer ou l'exagérer. Son rendu est naturel
lorsque ce n'est pas une technique qu'on applique, c'est pourquoi
il ne doit pas être trop guidé par des directives, à moins que celui
qui le pratique ne soit très conscient de ce qu'il fait et ne sache
exactement où il va. C'est en fait une exigence intime de certaines
formes de musiques qu'il faut connaître, d'où la nécessité d'en écouter
beaucoup pour savoir où et quand l'utiliser. Les trombonistes
de jazz, par exemple, ne vibrent pas. Le vibrato n'a lieu d'être que
dans les concerti et les parties solistes, et n'existe pas non plus
au pupitre d'orchestre.
Ceux qui ne vibrent pas naturellement peuvent tricher en employant
les lèvres, mais l'on ne sait pas où on va, on peut facilement manquer
de contrôle et risquer à tout moment le mauvais goût et l'expression
forcée. "
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Il résulte de ces entretiens que, parmi les " vents ", la tendance
générale est à un vibrato discret, non systématique et non cadencé,
que le cor joue presque exclusivement droit, et que, en dehors de
la clarinette encore très partagée entre son droit, vibrato à la mâchoire
et vibrato naturel, le basson paraît être le seul à vibrer uniquement
avec une combinaison lèvres-mâchoire inférieure particulièrement heureuse.
Chez tous les autres est acquise (ou commence à se développer pour
le saxophone) la pratique du vibrato naturel, " aéro-glottal " selon
le terme de André Daire et non " diaphragmatique " (le diaphragme,
muscle inspirateur et passif dans l'expiration, n'étant qu'un intermédiaire).
Utilisé de façon émotionnelle dans les musiques adéquates, le vibrato
naturel est particulièrement musical, car la fréquence de ses ondulations
fluctue avec la pression de l'air dont les variations plus ou moins
subtiles sont liées aux registres utilisés ainsi qu'aux intentions
et émotions nées de l'écriture musicale, c'est-à-dire à la musicalité
du phrasé de l'exécutant.
Naturel ou artificiel, le vibrato cadencé fait en général figure de
placage mécanique par rapport au vibrato émotionnel. Quant aux vibratos
artificiels, seuls ceux qui sont réalisés avec la mâchoire inférieure
et les lèvres, sont praticables sur tous les registres de certains
" vents ", et le grand art consiste à les moduler comme le vibrato
naturel, ce qui n'est pas évident.
Ajoutons qu'on a le choix entre deux types d'actions musculaires opposées
pour seconder les intentions musicales qui entraînent la compression
verticale de l'air : l'une de haut en bas, citée par André Daire,
part de la barre claviculaire et se sert du diaphragme comme d'un
tremplin où rebondit l'air pour aider le vibrato naturel, l'autre
de bas en haut, provient de la contraction des muscles abdominaux
depuis le bas-ventre et se transmet aux poumons par le diaphragme
qui doit être souple et décontracté tout en augmentant son effet de
courbure.
Espérant avoir quelque peu contribué à débrouiller ce sujet délicat,
je remets donc ici ma copie, en souhaitant recevoir toutes les réactions
susceptibles d'enrichir le débat, et en faire éventuellement une suite
à cet article.
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(1) Éditions RFD 2 USA.
(2) Éd. La Stravaganza.
(3) DGM CD 013 SELMER
(4) ONJ: Orchestre National de Jazz. |
* Alain Bouhey est saxophoniste, professeur au CNR de Rennes, à l'École
Normale de Musique de Paris (il le sera jusqu'en
2005, N.D.L.R.) et à l'École municipale de musique du XVIème
arrondissement de Paris.
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