SOMMAIRE MUSIQUE SAXOPHONE
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LE VIBRATO NATUREL
AUX INSTRUMENTS A VENT

EXEMPLE DE VIBRATO NATUREL
AU SAXOPHONE SOPRANO

L'ARTICLE DE 1993 + ADDITIF

I.- LES BOIS

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(flûte)

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(hautbois, clarinette)

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(basson, saxophones)

ADDITIF :
Comment je l'enseigne en 2008/2009

Exemple de Vibrato naturel au saxophone :
Etudes Ferling : n°7 ; n°1
; n° 3 ;
II. LES CUIVRES
(trompette et cor, trombone)

CONCLUSION

COMMENTAIRE DE PIERRE BIGOT

qui fut le Chef de la Musique de la Police nationale



EXEMPLE DE VIBRATO NATUREL
AU SAXOPHONE SOPRANO
CONCERTO EN UT K 314,
1er mouvement, Allegro aperto


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CONCERTO EN UT K 314,
2ème mouvement, Adagio ma non troppo


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Le vibrato naturel
aux instruments à vent

Dossier réalisé par Alain Bouhey*

(Article publié dans le Journal de la Confédération Musicale de France, n° 445 d'Avril 1993,
et dans le bulletin de l'ASSAFRA, ASsociation des SAxophonistes de FRAnce, n° 42 de mai 1993.)



AVERTISSEMENT : Apparu vers 1905, le vibrato aux instruments à vent est un sujet quelque peu épineux dans la musique du XXème siècle. d'autant plus qu'il obéit à des modes, et que tel vibrato aujourd'hui démodé sera peut-être du goût de demain. Entre le son droit, le vibrato cadencé ou émotionnel, provoqué (inspiré des cordes), ou naturel (spécifique aux vents), il ne s'agit donc pas ici de dire ce qui est bon ou mauvais, mais de chercher à discerner le goût du jour.


Le vibrato aux " vents " est un point sur lequel les musiciens ont beaucoup évolué depuis une trentaine d'années : les uns le produisent toujours artificiellement, ou le suppriment complètement, les autres, qu'ils soient flûtistes, hautboïstes, voire... saxophonistes, pour les bois, trombonistes ou trompettistes pour les cuivres, s'accordent sur la valeur d'une mise en vibration de la colonne d'air dont le résultat peut être particulièrement musical et chantant. Saxophoniste, faisant partie des transfuges tout récemment émigrés du vibrato à la mâchoire vers le vibrato naturel, après des années de recherche, il me paraît intéressant d'approfondir le vibrato naturel, mode d'expression " dans le vent ! " avec ceux qui le pratiquent depuis longtemps, pour tous ceux qui voudraient y venir sans y être encore parvenus, et cela sans pour autant négliger l'intérêt des autres manières en usage. Voici donc ce que ces musiciens en disent, pour les différentes familles de " vents ", où je me permets d'introduire une distinction inhabituelle : celle du toucher " direct " quand il est dans le prolongement de l'embouchure, et " indirect " quand il ne l'est pas.






I. LES BOIS







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LA FLUTE


Marcel MOYSE. (Texte communiqué par le flûtiste David Lodéon, Professeur au Conservatoire du XVIème arrondissement de Paris.) Marcel Moyse, qui enseigna la flûte au CNSM à Paris, parle du vibrato naturel dans "Comment j'ai pu garder ma forme" (1). Il s'y élève contre le travail technique consistant à cadencer, à une vitesse plus ou moins rapide les poussées d'air d'un son tenu pour imiter le vibrato des cordes " : " Ce pseudo vibrato, écrit-il, cadencé à 3, 4, 5, voire 7 par seconde est indubitablement destiné à troubler, plus, à détruire aveuglément la signification expressive d'une phrase musicale, puisque les notes dont elle est constituée n'ont pas toutes la même (...) importance expressive. "
Marcel Moyse, par contre, porte toute son attention sur la qualité de la colonne d'air qu'il compare à la colonne d'eau s'écoulant souplement d'un tube de caoutchouc, du fait d'une pression " judicieusement adaptée ". Aussi souple, cette colonne d'air est " prête à vibrer ", c'est-à-dire " à développer expressivement " la résonance du beau son qu'elle engendre, ce qui dépend de la qualité des lèvres, jouant pour l'instrumentiste le rôle du caoutchouc pour l'eau. Aussi ajoute-t-il : " Par des exercices spéciaux, assouplissez vos lèvres, disciplinez votre sonorité, jusqu'à ce que, dans les moments de grâce, vous sentiez que votre son commence à faire partie de vous-même (comme une sorte de corde vocale supplémentaire) ; essayez, insistez et vous sentirez petit à petit vos poumons; votre diaphragme, stimulés par votre centre émotionnel, commencer à réagir au gré de vos aspirations musicales et artistiques. (...) Inspirez-vous surtout des chanteurs pour le vibrato. "

Philippe BERNOLD. Première flûte solo de l'Opéra de Lyon et premier Grand prix du Concours international Jean-Pierre Rampal, écrit dans " La technique d'embouchure " (2) : " Le vibrato est une manifestation naturelle de l'émotion que l'on éprouve lorsqu'on joue une phrase musicale. Pour qu'un vibrato soit satisfaisant, l'auditeur ne doit pas le remarquer : sa présence rend néanmoins chaque note plus intéressante. "

Gladys BOUCHET. Flûtiste, professeur au CNR de Rennes: " Le vibrato naturel, dit-elle, n'est pas un vibrato de hauteur ou d'intonation, mais d'intensité jouant sur la pression et la vitesse de l'air. Il nécessite de trouver un bon rapport entre cette dernière qui donne le timbre, et le volume de l'air qui donne la nuance. Le premier travail se fait pendant trois ou quatre ans avec un volume égal (nuance " mf " constante), en accélérant ou ralentissant la vitesse de l'air, ce qui finit en général par entraîner un début d'ondulation, qu'il faut améliorer, arrondir, en supprimant les freins venant notamment de crispations de la gorge (fig. 1), jusqu'à trouver un bon rapport fréquence/amplitude, ce qui suppose d'abord une bonne poussée abdominale et une bonne retenue par la pince des lèvres (fig. 2).


Fig. 1 : Vibrato freiné



Fig. 2 : Vibrato libéré

Le vibrato ne se produit ni quand la vitesse de l'air est trop petite, ni quand elle est trop grande. Il s'accélère avec elle à l'intérieur de la fourchette située entre ces deux extrêmes, passant par différents types de timbres correspondant à différentes esthétiques de son. Mozart est à placer un peu à part avec une amplitude et une fréquence plus serrées (fig. 3 et 4).


Fig. 3 : Timbres et vibrato dans l'accélération de l'air


Fig. 4 : Vibrato Mozart

Remarque : La vitesse joue non seulement sur le timbre mais sur la justesse, ce qui nécessite de savoir jouer juste avec ces diverses sonorités en corrigeant d'autres éléments comme l'angle d'attaque de l'air sur le biseau.
Nous travaillons la vitesse de l'air à volume égal (" mf ") dans des exercices sur les harmoniques des notes graves, car la qualité du son varie d'une façon plus prononcée sur les harmoniques que sur les notes réelles :


Nous abordons ensuite le travail sur les nuances, en faisant varier le volume d'air avec l'ouverture de l'orifice buccal: dans le " mf ", le vibrato est normal avec un volume moyen et une vitesse moyenne, dans le " ff " avec un volume maximal et une vitesse minimale (souffle d'air chaud, exemple du fleuve : beaucoup d'eau au cours lent), dans le " pp " avec un volume minimal et une vitesse maximale (souffle d'air froid, exemple du torrent : peu d'eau au cours rapide). Dans le crescendo-descrescendo, le vibrato doit s'intégrer harmonieusement dans le changement de nuance (fig. 5).


Fig. 5 : Vibrato dans le crescendo, augmentation de volume d'air, diminution de vitesse.



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ANCHE DOUBLE: LE HAUTBOIS


Patrick CHAYLADE, hautboïste, professeur au CNR de Rennes : " Dans les années 50-60, dit-il, certains hautboïstes mélangeaient mâchoire et colonne d'air dans leur pratique du vibrato, maintenant, nous employons tous le vibrato naturel. Per-sonnellement, je fais travailler son acquisition en deux temps : le premier consiste à forger et à stabiliser la colonne d'air en envoyant le souffle sous pression avec une sangle abdominale tendue. Pour cela, nous jouons des sons filés et des arpèges du bas vers le haut, ce qui augmente progressivement la pression, l'aigu en nécessitant plus que le grave.

Le deuxième temps est celui du vibrato naturel ou bien celui-ci se produit de lui-même à force de travailler la colonne d'air, ou bien l'instrumentiste le provoque par des sons droits qu'il serre, sans aucune action de la bouche ou de la gorge. Peu à peu, il trouve une certaine vitesse de vibration en communion avec son rythme cardiaque, et dépendant de chaque individu. Le vibrato est plus ou moins large ou serré, mais doit toujours embellir le son, c'est un plus à la colonne d'air.

Les musiques baroques mélangent non vibrato et vibrato, ce qui suppose un contrôle de la tête pouvant arrêter le vibrato naturel à volonté. Cela donne de très jolis effets de sonorité. Dans la musique moderne, l'utilisation du vibrato est plus artificielle parce qu'exagérée en vue d'effets spéciaux. "


André BERTHEAS. André Bertheas joue hautbois et cor anglais à l'Orchestre de la Garde Républicaine, il enseigne dans les Conservatoires d'arrondissement de Paris : " La première condition du vibrato naturel, dit-il, se trouve dans la liberté de la colonne d'air, à rechercher dans un travail d'assouplissement du diaphragme. Pour cela, il faut éviter d'avoir un jeu tendu en permanence, et trouver un enchaînement tension/relaxation basé sur la structure du morceau écrit : la tension réside dans le temps fort assimilable à un lancer, la relaxation dans le temps faible ou retour. On obtient ainsi un jeu de lancer/retour, de Yin et de Yang, un balancement continuel équilibré, alors que la tension permanente engendrerait un son dur, bloqué, sans vibrato naturel, et le relâchement permanent une perte de justesse et un écroulement musical.

Ce travail doit s'accompagner d'une recherche de résonance sonore, de son qui résone plus qu'il ne sonne. En lui laissant cette résonance plutôt que de la tenir, la sonorité sera libre, avec un maximum d'harmoniques. Sa richesse permettra alors de trouver l'aigu dans les harmoniques du grave, et de passer de l'un à l'autre avec une aisance de jeu accrue, en toute facilité de legato et en toute beauté. Il s'agit donc de trouver le vibrato naturel sans essayer de le provoquer artificiellement, mais par cette recherche de résonance sonore à travers la souplesse diaphragmatique. "


ANCHE SIMPLE : LA CLARINETTE
(Vibrato "mâchoire" plutôt que de colonne d'air - N.D.L.R. -.)


Guy DEPLUS : Soliste international, professeur à l'ENMP, professeur honoraire de musique de chambre puis de clarinette au CNSM de Paris, Guy Deplus fut soliste à la Garde Républicaine et à l'Opéra, et participa à la création du " Domaine Musical " avec Pierre Boulez. " Le vibrato, dit-il, est un problème très délicat à la clarinette. Pour les uns, il ne convient ni au style ni au timbre de l'instrument (c'est le cas des Allemands dont aucun des musiciens en place ne vibre), pour les autres dont je fais partie, il donne de l'expression, fait vivre le son plus facilement, et harmonise le jeu de la clarinette avec celui des autres vents de l'orchestre symphonique, où flûte, hautbois, basson, trompette, tuba vibrent de même que certains cors (Baumann en Allemagne, les cornistes tchèques, etc.).

Par ailleurs, la musique contemporaine demande parfois du vibrato... En fait, suivant les interprètes, les modes, les époques, il est plus ou moins utilisé, beaucoup par les Anglais dans les années 40, et par les tchèques jusqu'à maintenant. Mais chez ces derniers, tout peut évoluer ; un seul des deux cornistes de la philharmonie tchèque vibrait et il vient de décéder. Quant à la réaction des chefs à son jeu, elle était partagée : positive côté tchèque, négative côté allemand. Toutefois, nous avons harmonisé nos vibrations dans un concerto pour deux clarinettes, sous la baguette du chef allemand Sawallisch qui n'a pas fait de remarque.

Personnellement, suivant les moments, j'en utilise plus ou moins, quelquefois pas du tout. Je l'ai employé par exemple à la demande d'un partenaire altiste dans le Trio des Quilles de Mozart, celui-ci m'a dit ensuite que, bien qu'il n'appelât pas cela un vibrato, mon jeu n'avait jamais été aussi expressif ! Je l'ai longtemps pratiqué sur la colonne d'air, mais il est ainsi difficile à maîtriser et à obtenir à la clarinette. Je me sers maintenant de la mâchoire avec le souci du minimum pour éviter le " OUA-OUA ", les parasites dans le son et la critique de " style jazz ". Je ne l'emploie jamais d'une manière systématique et cherche à garder, comme pour les cordes, une ondulation dans le son qui ne doit jamais lui paraître extérieure. "


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ANCHE DOUBLE: LE BASSON



Maurice ALLARD : Bassoniste qui fut professeur au CNSM de Paris, Maurice Allard enseigna la pratique du vibrato avec les lèvres, et les spécialistes que j'ai contactés : Jean-Yves Brand, professeur au CNR de Rennes, Daniel Neuranter, bassoniste de la Garde Républicaine, m'ont confirmé qu'ils vibraient ainsi. Leur vibrato, en général discret, est toutefois si caméléon vis-à-vis de celui des autres musiciens de l'orchestre, que plusieurs d'entre eux s'y trompent et l'affirment naturel.



Sous l'impulsion de Marcel Mule, fondateur de l'École classique de saxophone, le vibrato fut longtemps essentiellement réalisé à notre instrument avec la mâchoire. Une association d'action entre les muscles du larynx décrits ci-après par André Daire, et la mâchoire permet alors d'en accélérer la vitesse en en réduisant l'amplitude. Remis en question depuis plusieurs décennies, le vibrato est actuellement en pleine évolution au saxophone; ainsi, Claude Delangle, actuel professeur au CNSM de Paris, et soliste-international, l'emploie d'une manière très discrète et non systématique, combinant souffle et mâchoire.

Roland AUDEFROY : Saxophoniste, chef d'orchestre au Moulin Rouge, qui enseigna à Rennes et à Chartres, Roland Audefroy s'initia au vibrato naturel en Amérique du Sud, où il joua avec l'Ensemble " Los Incas " les Kenâs et flûtes indiennes. " Ce vibrato-expression, dit-il, est moins évident, plus discret et plus difficile à réaliser sur notre instrument, sa perce conique nous procurant une difficulté supplémentaire en descendant à partir du do médium, et rendant l'effet " diaphragme " plus aléatoire pour obtenir cette légère ondulation. Mais en la recherchant tranquillement, il est relativement possible de l'obtenir; encore faut-il la ressentir et la vouloir dans sa conception d'esthétique musicale personnelle et son idée de faire chanter la musique. "

Michel NOUAUX : Premier Prix de Saxophone au Concours International de Genève, Michel Nouaux fut soliste à la Garde Républicaine, et enseigna dans des Conservatoires de la région parisienne. Quotidiennement confronté aux musiciens de l'orchestre, il fut amené à approfondir sa recherche sur l'expression en faisant chanter son instrument avec un compromis entre le souffle et la mâchoire, notamment remarquable dans son Introduction de " Magheia " de Lucie Robert (3). Il propose pour le vibrato une recherche en trois phases : " Première phase : gammes liées sur trois octaves, simples, puis en tierces et doubles tierces; nuances : forte et lent, piano et rapide; embouchure : même pression de lèvres du grave à l'aigu - Deuxième phase Recherche de vibrations sur des valeurs longues en alliant souffle et mâchoire inférieure; mezzo-forte; lèvres tendues - Troisième phase : Recherche de vibration avec crescendo et decrescendo. Remplir l'instrument d'air avant d'émettre le son : recherche immédiate d'ondulation par le souffle et enchaînement de ces ondulations par la mâchoire inférieure lors de l'intensification du son. Inversement pour le decrescendo. Interprétation : L'amalgame des sons droits et vibrés est fonction de la culture, de la musicalité et de la sensibilité de l'instrumentiste, Rôle de l'embouchure : Qualité du son et surveillance de justesse. "

Personnellement :

(en 1993), mon adaptation du vibrato naturel au saxophone (mâchoire immobile) s'est faite avec un décalage d'un an entre le soprano droit à toucher direct et l'alto à toucher indirect où il est moins évident. Remarquant, en faisant passer le soprano de sa position propre à celle de l'alto, une légère rotation des poignets vers l'intérieur, d'où une fermeture thoracique contraignante pour la colonne d'air, ma première recherche fut de transposer à l'alto l'ouverture thoracique et le parallélisme entre paume des mains et tube du soprano, ce qui suppose d'ouvrir légèrement les poignets par une petite rotation vers l'extérieur. Par suite, mon évolution dans la pratique de ce vibrato s'est enrichie de tous les apports des présentes communications, dont je remercie vivement les auteurs.

Je conjugue des exercices d'enrichissement du son en harmoniques avec des exercices simples de phrasé partant de sons droits, dans lesquels j'augmente souplement la pression d'air intrabuccale en centrant cet air comprimé sur la retenue des lèvres, ce qui sollicite à la fois la pression musculaire aux niveaux abdominal, lombaire et intercostal, et qui amène naturellement le vibrato quand la pression d'air est suffisante et bien placée. Directement lié à cette pression dont les fluctuations liées à la vitesse (timbre) et au volume d'air émis (nuance) expriment le sentiment musical aux instruments à vent, ce vibrato émotionnel est libéré sans être provoqué, bien qu'il puisse toujours être provoqué pour répondre aux exigences de la musique contemporaine.


ADDITIF : Comment je l'enseigne en 2008/2009 :

Le vibrato naturel est un vibrato de colonne d'air ou d'intensité
. Sa vitesse fluctue avec celle de l'air, elle-même liée aux intentions musicales.

Il est naturel, parce que, une fois déclenché, Il se fait de lui-même, par un procédé mécanique fort bien décrit, ci-dessous, par André Daire. Le musicien qui l'emploie est donc responsable :

de son déclenchement (décision de jouer vibré plutôt que droit),
de la liberté qu'il lui offre (pression, souplesse sans frein de la gorge, centrage de l'air et jeu "en face" par un lien bouche-toucher),
de ses intentions musicales, sources des diverses formes que prend ce vibrato.

C'est un vibrato de colonne d'air. En effet, la colonne d'air doit être régie par une pression sans faille pour l'obtenir, pression provenant des abdominaux et du diaphragme, mais ce vibrato ne doit pas être ressenti aux niveaux abdominal et diaphragmatique. Tout se passe dans la gorge (cf. André daire). Une façon très simple de ressentir ce qui se passe dans la gorge, quand il se produit, consiste à alterner, en parlant (sans bouger la tête), une répétition de voyelles :

1.- séparées :

(Fig. 6)

2.- liées :

(Fig. 7)

Faire ensuite la même chose en soufflant, en dehors du saxophone, puis dans l'embouchure et amener le son.

Ces indications permettent de distinguer le mauvais vibrato du bon : soit une colonne d'air de son droit, à pression et volume constants de "mezzo-forte" :

(Fig. 8)


le mauvais vibrato est celui qui coupe, ou diminue la pression et le volume de la colonne d'air du son droit initial correspondant :

(Fig. 9)


le bon vibrato est celui qui enrichit la colonne d'air, augmente son volume initial en "mezzo-forte +", dans les ventres de vibration à pression toujours constante, sans diminuer volume d'air et pression dans les noeuds :

(Fig. 10)


C'est enfin un vibrato d'intensité, dont Gladys Bouchet écrit ci-dessus :

" Le vibrato naturel, dit-elle, n'est pas un vibrato de hauteur ou d'intonation, mais d'intensité jouant sur la pression et la vitesse de l'air. Il nécessite de trouver un bon rapport entre cette dernière qui donne le timbre, et le volume de l'air qui donne la nuance. Le premier travail se fait pendant trois ou quatre ans avec un volume égal (nuance " mf " constante), en accélérant ou ralentissant la vitesse de l'air, ce qui finit en général par entraîner un début d'ondulation..." (Gladys Bouchet.)

En fait, c'est le volume d'air du "mf" initial du son droit correspondant qui est constant (Fig. 8), mais dans ce volume d'air de "mf" constant, les muscles de la gorge (cf. André Daire) effectuent un balayage qui pousse l'air vers l'avant, en en accélérant la vitesse au début de la poussée pour qu'elle se ralentisse ensuite, si bien que, dans les ventres de vibrations le volume de l'air et la nuance sont légèrement augmentés en "mf+" pour revenir au "mf" initial dans les noeuds. Ce balayage engendre des surpressions qui sont les ondulations et qui ne doivent pas redescendre en-dessous de la pression du "mf" initial (quand la nuance est constante).

Comment le déclencher ?
A l'émission, former la première ondulation, en rouge sur la figure 11, par un accéléré/ralenti de l'air,
et rester en pression à la fin de l'ondulation.
Si, derrière cette ondulation, on reste en pression (comme pour lier une seconde voyelle), avec vitesse et volume d'air du son droit initial (figure : 8) le vibrato s'entretient de lui-même.
S'il y a rupture de pression-vitesse-volume du son droit de base, il disparaît.

(Fig. 11)

REMARQUE : On peut ajouter aux indications de Gladys Bouchet sur les vitesses du vibrato naturel :
"Nous abordons ensuite le travail sur les nuances, en faisant varier le volume d'air avec l'ouverture de l'orifice buccal: dans le " mf ", le vibrato est normal avec un volume moyen et une vitesse moyenne, dans le " ff " avec un volume maximal et une vitesse minimale (souffle d'air chaud, exemple du fleuve : beaucoup d'eau au cours lent), dans le " pp " avec un volume minimal et une vitesse maximale (souffle d'air froid, exemple du torrent : peu d'eau au cours rapide). Dans le crescendo-descrescendo, le vibrato doit s'intégrer harmonieusement dans le changement de nuance (fig. 5)." (Gladys Bouchet).
que ce dernier peut aussi être rapide dans le "ff" et lent dans le "pp", la rapidité dans le "ff" augmentant la consommation d'air, et la lenteur dans le "pp" la réduisant.


Exemple de Vibrato naturel au saxophone :
Etudes Ferling : n°7 ;
n°1 ; n° 3 ;






II. LES CUIVRES







LA TROMPETTE
ET LE COR
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Didier ROUSSEL et Michel LAMARCHE : Trompettistes, Didier Roussel et Michel Lamarche enseignent au CNR de Rennes: " Chez les trompettistes, disent-ils, comme chez tous les musiciens jouant les cuivres, ce sont les lèvres (anches doubles naturelles) qui, en vibrant, matérialisent le son. Il va sans dire que leur qualité et leur placement sont capitaux, car du placement dépend la qualité du son, c'est-à-dire sa richesse en harmoniques. Deux procédés permettent de produire un vibrato qui l'enrichit encore. Le premier, le plus facile, s'obtient par un léger mouvement de va et vient de la main sur les pistons, identique à celui des instrumentistes à cordes sur la touche, le second par un contrôle de l'air : l'écoute des enregistrements des années 60-65, de Harry James, et de Raymond Sabarich, ou même les premiers disques de Maurice André, révèle un vibrato à la limite exagéré, mais qui fait partie du style de l'époque. En général, il est produit par les mains sur les pistons. Ensuite, les musiciens ont arrêté cette pratique pour s'attacher à des sons beaucoup plus droits. En France, elle est peut-être restée plus longtemps qu'ailleurs. Maintenant, le vibrato se fait naturellement par la vibration de l'air. Ce vibrato devra être le plus discret possible. Dans beaucoup d'orchestres, il est même recommandé de jouer avec un " son droit ", ce qui ne signifie pas un son plat. Celui-ci peut, en effet, être riche, large et bien centré, sans l'utilisation du vibrato.

Les cornistes, quant à eux, ne vibrent plus depuis une trentaine d'années, époque à laquelle ils se sont alignés sur l'école allemande. "

André DAIRE :Trompettiste qui enseigna de 1979 à 1986 à Rennes (CNR), et professeur à Paris (ENMP et EMM des Xe et XXe arrondissements), André Daire, kinésithérapeute à France-Soir de 1960 à 1976, est également spécialiste de la physiologie et de la rééducation respiratoire : " La mise en action du vibrato de colonne d'air au moyen de la compression verticale de l'air, résulte d'un mouvement alterné de dilatation et de constriction au niveau de l'orifice glottique, et il est complété par une translation des cordes vocales inférieures qui bordent cet orifice. Ce mouvement est sous la dépendance des muscles suivants dits intrinsèques du larynx : le crico-thyroïdien, muscle tenseur des cordes vocales, le crico-aryténoïdien postérieur, muscle dilatateur de ces cordes, puis le groupe des constricteurs : thyro-aryténoïdiens supérieur et inférieur, et l'ary-aryténoïdien, les deux faisceaux de l'avant-dernier constituant la corde vocale même. Ce mouvement qui doit être imprimé avec douceur, sans secousse, ni saccade (qui ne doit donc pas briser ou casser l'onde porteuse, comme le fait le trac par son facteur émotionnel involontaire), ébranle en une légère agitation la colonne d'air, et lui transmet une sorte de battement ondulé dont la fréquence peut être variée, modifiée, ralentie ou accélérée volontairement, selon le type d'instrument et selon lés particularités morpho-physiologiques et l'évolution technique de chacun. Lorsqu'il est volontaire, conditionné par une certaine maîtrise, il peut même s'inscrire sur le même rythme que les battements cardiaques. Cette colonne d'air ainsi animée pourra alors se charger, au même titre que notre cœur, des états émotionnels engendrés par la sensibilité musicale de l'artiste exécutant. Le vibrato ne sera-t-il donc pas à l'image, en cet instant, de notre organe moteur qui projette son ondée systolique vers l'aorte pour nourrir notre corps, ne sera-t-il pas l'aliment vital du son instrumental et le facteur d'un certain enrichissement du timbre et de la sonorité, s'il est judicieusement, adroitement dosé?

Cependant, si tous les instrumentistes portaient au zénith leur vibrato personnel dans un orchestre, il en résulterait une belle " cacophonie ", la disparité des différents vibratos créant de véritables distorsions de fréquences et nuisant à l'homogénéité de l'ensemble. La production du " son droit " dans un orchestre assure la cohésion, rend l'ensemble plus malléable pour le chef, qui réalise mieux ses dosages de nuances ce qui ne l'empêche nullement de décider d'avoir recours aux vibratos et de le demander aux parties solistes, ou d'en marquer le texte musical à des endroits définis. Toutefois, le Quatuor de l'Orchestre National qui fut dans les années 50 ou 70 au " Top niveau " des formations internationales, avait réussi à produire en son sein (par de longues années passées ensemble), un vibrato de même amplitude, de même fréquence, créant l'unité, qui lui assura un timbre, une sonorité particulière, baignés d'une chaleur expressive peu commune.

Le vibrato obtenu artificiellement chez les petits cuivres, par les doigts agitant périodiquement l'instrument, ne peut présenter un rendement rationnel sur toutes les notes du registre, en raison de l'appui plus ou moins intensif exercé sur les lèvres par l'embouchure, l'ensemble devant contenir quelquefois une compression d'air intra-buccale énorme (du la au-dessus de la portée au contre-ré seulement, on obtient des trilles instantanés dus à une souplesse labiale très susceptible et à des harmoniques rapprochés). Cette pratique est donc assez abandonnée maintenant, mais j'ai connu jadis de bons trompettistes, qui, opérant de cette façon sur certaines notes, dans un registre restreint, obtenaient un vibrato non négligeable en qualité. "


LE TROMBONE



Yves FAVRE : Tromboniste, lauréat de Prix internationaux (Vercelli, Prague, Toulon, Munich), membre de l'ONJ (4) avec Claude Barthélemy, Yves Favre a fait de nombreuses expériences de musique contemporaine avec Pierre Boulez et Vinko Globokar en France et à l'étranger. Il est membre de l'Arban Chamber Brass et musicien " free lance " radio et studio. Je vibre naturellement sur la colonne d'air, dit-il. Pour être bon, ce vibrato doit pouvoir être contrôlé. Cela suppose, d'une part, de savoir le supprimer en jouant droit, et, d'autre part, d'arriver à le produire sans jamais le forcer ou l'exagérer. Son rendu est naturel lorsque ce n'est pas une technique qu'on applique, c'est pourquoi il ne doit pas être trop guidé par des directives, à moins que celui qui le pratique ne soit très conscient de ce qu'il fait et ne sache exactement où il va. C'est en fait une exigence intime de certaines formes de musiques qu'il faut connaître, d'où la nécessité d'en écouter beaucoup pour savoir où et quand l'utiliser. Les trombonistes de jazz, par exemple, ne vibrent pas. Le vibrato n'a lieu d'être que dans les concerti et les parties solistes, et n'existe pas non plus au pupitre d'orchestre.

Ceux qui ne vibrent pas naturellement peuvent tricher en employant les lèvres, mais l'on ne sait pas où on va, on peut facilement manquer de contrôle et risquer à tout moment le mauvais goût et l'expression forcée. "



Il résulte de ces entretiens que, parmi les " vents ", la tendance générale est à un vibrato discret, non systématique et non cadencé, que le cor joue presque exclusivement droit, et que, en dehors de la clarinette encore très partagée entre son droit, vibrato à la mâchoire et vibrato naturel, le basson paraît être le seul à vibrer uniquement avec une combinaison lèvres-mâchoire inférieure particulièrement heureuse.
Chez tous les autres est acquise (ou commence à se développer pour le saxophone) la pratique du vibrato naturel, " aéro-glottal " selon le terme de André Daire et non " diaphragmatique " (le diaphragme, muscle inspirateur et passif dans l'expiration, n'étant qu'un intermédiaire). Utilisé de façon émotionnelle dans les musiques adéquates, le vibrato naturel est particulièrement musical, car la fréquence de ses ondulations fluctue avec la pression de l'air dont les variations plus ou moins subtiles sont liées aux registres utilisés ainsi qu'aux intentions et émotions nées de l'écriture musicale, c'est-à-dire à la musicalité du phrasé de l'exécutant.
Naturel ou artificiel, le vibrato cadencé fait en général figure de placage mécanique par rapport au vibrato émotionnel. Quant aux vibratos artificiels, seuls ceux qui sont réalisés avec la mâchoire inférieure et les lèvres, sont praticables sur tous les registres de certains " vents ", et le grand art consiste à les moduler comme le vibrato naturel, ce qui n'est pas évident.

Ajoutons qu'on a le choix entre deux types d'actions musculaires opposées pour seconder les intentions musicales qui entraînent la compression verticale de l'air : l'une de haut en bas, citée par André Daire, part de la barre claviculaire et se sert du diaphragme comme d'un tremplin où rebondit l'air pour aider le vibrato naturel, l'autre de bas en haut, provient de la contraction des muscles abdominaux depuis le bas-ventre et se transmet aux poumons par le diaphragme qui doit être souple et décontracté tout en augmentant son effet de courbure.

Espérant avoir quelque peu contribué à débrouiller ce sujet délicat, je remets donc ici ma copie, en souhaitant recevoir toutes les réactions susceptibles d'enrichir le débat, et en faire éventuellement une suite à cet article.

 
(1) Éditions RFD 2 USA.
(2) Éd. La Stravaganza.
(3) DGM CD 013 SELMER
(4) ONJ: Orchestre National de Jazz.


* Alain Bouhey est saxophoniste, professeur au CNR de Rennes, à l'École Normale de Musique de Paris (il le sera jusqu'en 2005, N.D.L.R.) et à l'École municipale de musique du XVIème arrondissement de Paris.








 
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