SOMMAIRE MUSIQUE SAXOPHONE
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MUSICIEN AUTHENTIQUE AU COEUR D'OR,
ROLAND AUDEFROY

s'en est allé
le samedi 20 janvier 2018,
il était né le 15 décembre 1930



 

Navrante nouvelle. Je l’ignorais.
Roland était un homme et un artiste authentique. Je l’appréciais beaucoup.
En nombre de situations, il a mieux que quiconque montré ce qu’était l’empathie, la fraternité.
Suis réellement triste de sa disparition.

Jean-Marie Londeix



Cher Roland,

Un "coeur d'or", ce sont les deux mots qui se sont affichés en moi, lorsque le message de Fiona et d'Amélie m'a appris la triste nouvelle
. A la lecture du titre donné par Jean-Marie Londeix à l'interview que tu lui accordas en 2001 :

"INTERVIEW DE ROLAND AUDEFROY, MUSICIEN AUTHENTIQUE"

j'ai compris que c'était ton authenticité qui faisait ton "coeur d'or". C'est pourquoi, en première partie, je recopie cet interview, où tu es tellement toi. Et, comme tu n'es pas le "mec à press-book", je l'entrecouperai de liens avec l'article que te consacre Wikipedia, pour préciser tes dires. La seconde partie sera consacrée à l'Ensemble de Saxophones Français, l'ESF, que tu co-fondas, en 1972, avec Guy Lacour, Jean-Marie Londeix et Jacques Melzer. Devenu depuis, en collaboration avec toi, ensemble à géométrie variable, de trois à plus de vingt-cinq musiciens, il poursuit, maintenant, votre action sur YouTube.

I
INTERVIEW DE ROLAND AUDEFROY
MUSICIEN AUTHENTIQUE
Fréjus, le lundi 25 juin 2001

(lendemain de la célébration du centenaire de Marcel Mule à Hyères)

Jean-Marie LONDEIX




1.- Années de formation




Mon père était musicien amateur. Il était accordéoniste. Le soir, en revenant du travail, il nous jouait des airs populaires.
J'ai toujours été sensible à la musique.

En 1941-42, Alix Combelle (fils de François Combelle) avait monté le Jazz de Paris, une grande formation qui a joué pendant toute la guerre. Juste avant la guerre, il avait enregistré avec André Ekyan, ainsi qu'avec Coleman Hawkins et Benny Carter. C'est le Jazz de Paris d'Alix Combelle, qui m'a sensibilisé à la musique.


Le Jazz de Paris, considéré comme le meilleur grand orchestre de jazz français des années d'Occupation (1940-45), permit à Alix Combelle de devenir chef d'orchestre à part entière. L'orchestre réunit quelques-uns des plus remarquables solistes du moment : les trompettistes Aimé Barelli et Christian Bellest, les saxophonistes Max Blanc, Charles Lisée, Hubert Rostaing, les pianistes Paul Collot et Pierre Cazenave, le bassiste Tony Rovira, le batteur Pierre Fouad.


J'étais d'une famille très modeste, sans aucun moyen. De plus, c'était la guerre...
Ma mère n'était pas du tout musicienne. Il n'y avait que mon père... un amateur, pas plus, hein !
Je ne sais pas au juste pourquoi j'ai choisi le saxophone... Peut-être parce que Alix Combelle au ténor, c'était quelque chose ! C'était comme la voix... ça résonnait en moi... ça touchait ma sensibilité... Et puis, j'avais un copain qui jouait du saxophone, André Mestierenkin, de parents plus aisés. De temps en temps, il me prêtait son instrument.
J'avais onze ans, je me suis alors situé en me disant : "je vais essayer de démarrer". Mais je n'avais pas d'argent. Et habitant La Roquette, il n'y avait rien alors dans le XIème arrondissement de Paris...
J'ai acheté le "Solfège des Solfèges" de Lavignac...
et c'est comme ça que j'ai commencé... Tout seul. En autodidacte. Avec un solfège et un saxophone prêté...

A la Libération, en 1945 - j'avais treize ans et demi -, j'ai été travailler dans une usine d'imprimerie, ce qui m'a beaucoup aidé par la suite, parce que j'ai pu passer mon Certificat d'Etudes primaires, comme tout le monde à l'époque, et j'ai commencé, disons... à faire "TILT" !

La musique américaine arrivait avec les grands orchestres, aussi bien Ellington, Basy, Charlie Parker, Dizzi Gillespie, que les autres... Ça a été le déclic général. J'étudiais tout seul le saxophone... Je me débrouillais "à l'oreille", plus un petit peu de solfège...

J'étais toujours imprimeur à l'usine. J'ai acheté les études de Demersseman et de... je ne sais plus qui... Tu vois ! J'écoutais aussi des disques 78 tours américains et français... J'étais très accroc avec le jazz... Oui, que du jazz !
A l'époque, on en a pris plein la tête. Surtout avec le phénomène du big band de Dizzi Gillespie. Il y avait aussi Stan Kenton, l'orchestre Glenn Miller, forcément Sidney Bechet... et dans un autre registre, Claude Luter, qui est intervenu aussitôt... et Raymond Legrand - le père de Michel Legrand -, ainsi que son beau-frère, Jacques Hélian, qui a monté, à son tour, un orchestre de variété...
Oui, à partir de la Libération, le jazz éclatait. Tous azimuts ! Et puis, 45, c'était la fête ! Il y avait des bals populaires dans les mairies, partout... J'allais voir... Et, un jour... un accordéoniste, qui avait une petite formation de quatre - cinq musiciens, en parlant avec moi, m'a dit : "apporte ton saxophone".

J'avais quatorze ans et demi - quinze ans...
C'est ainsi que j'ai commencé à faire des bals...
Voilà comment ça a démarré !

En 47-48, à Paris, on montait des big bands, parce que l'on voulait... je ne dis pas : s'américaniser, mais enfin... Hein !
Dans l'un d'eux, j'étais premier alto. Un jour, le troisième alto n'a pas pu venir au concert. Un gars est arrivé pour le remplacer au pied levé... Déjà, en l'entenant préluder, j'ai dit : "Qui c'est ce gars ?... Ce n'est pas possible !..." C'était pour moi "quelque chose..." ! ...une montagne... Époustouflant !

Le gars a fait le concert. Il a tout déchiffré.
A la fin, je lui ai demandé son nom :
- Michel.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je suis à la Garde. J'ai mon Prix de Paris.
- Mais, qu'est-ce que c'est que "la Garde"... ? Moi... hein... tout naïf...
C'était Michel Nouaux.

Il m'a demandé ce que je voulais faire. Je lui ai dit que je voulais faire de la musique. Il m'a alors conseillé de ne pas en rester là.
"Il faut que tu ailles travailler avec quelqu'un... m'a-t-il dit. Il y a Mule..." Je connaissais le nom, parce que, pendant la guerre, on entendait souvent Mule à la radio. Mais, c'était comme le Bon Dieu ! Tu vois ! Pour moi, un gars de la radio, c'était un intouchable - comme on dit - !
Je me suis quand même renseigné.
J'ai été redirigé vers Marcel Josse... "Le Père Josse" tout le monde le connaît ! Je jouais sur un saxophone "Stenberg". Un saxophone tchécoslovaque... Il m'a dit : "mettez ça à la poubelle !"
- Mais, M. Josse, j'ai eu du mal à me le payer...
Enfin... tu vois !

Il m'a fait d'abord changer de bec, puis il m'a, en quelque sorte mis "au piquet", les mains sur la tête... je veux dire qu'il m'a fait faire des sons filés, des gammes, tout le programme académique, quoi ! J'étais complètement paumé... Je ne comprenais plus rien. Je me sentais à côté de mes pompes !
Lacour, Ledieu, Melzer, Briodin prenaient également des leçons avec Josse, qui m'a conseillé de les écouter. Cela a créé une émulation.

Je continuais l'imprimerie, et à faire des bals le samedi et le dimanche... Un jour, Josse m'a dit : "Ecoutez Audefroy... Vous n'allez pas pouvoir concilier tout ça, si vous voulez devenir professionnel..."
Il m'a conseillé d'aller à l'Armée. Je lui ai dit : "je suis anarchiste, antimilitariste ! Au secours ! Hein !"... Mon père, en cachant un de mes oncles prisonnier, évadé deux fois, a subi de gros sévices pendant la guerre. On l'a emmené en Allemagne... Mais, passons ! Alors, pour moi, l'armée...
A l'époque, il s'agissait de la Musique du 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale, à la porte Billancourt, avec comme chef Jean Avignon. Il fallait s'engager pour rester à Paris... Et, en 48-49, il y avait les problèmes de l'Indochine... J'ai rencontré Mériot, Ledieu, Pierson, Jacques Bernard, etc... qui, eux, travaillaient et avaient déjà un pied dans la classe au Conservatoire. J'ai compris le système...

J'ai arrêté l'imprimerie. Je suis entré à la Musique de la Coloniale tout en continuant à faire de la variété et à travailler avec Josse au Conservatoire de Versailles où il enseignait. Je commençais d'envisager d'entrer dans la classe de Mule. Mais, comme j'étais en retard au point de vue limite d'âge, j'ai, par précaution, été au Conservatoire National de Rouen, avec Henry Pollin, pour avoir une dispense en cas de besoin. Voilà !


Les Premiers Prix de Conservatoires Nationaux avaient une dispense d'un an sur la limite d'âge imposée au Concours d'entrée au Conservatoire de Paris.

J'ai fait trois ans à la Musique de la Coloniale. Tranquille... Mais, trois ans quand même ! L'esprit qui règhait là était épouvantable... J'ai fait 85 jours de taule dont 40 de cellule, parce que la taule était pour moi le seul créneau... Je ne te dis pas !

Je me suis présenté au Conservatoire une première fois en 50. Blackboulé, bien sûr ! Alors, Josse m'a fait faire les concours Bellan, etc... Bon ! Tout ! Et en 51, je suis entré à la classe, avec Mule, tout en continuant, en douce, à faire ce que je faisais avant : middle jazz, variété, dancing, etc... Je travaillais aussi, parce que j'aimais bien ça, la flûte et la clarinette. Encore en autodidacte.

Mule, pour moi, c'était et c'est toujours mon second père. Voilà ! Mule, je l'ai souvent dit... c'est l'homme... un homme d'une telle sagesse, d'une telle probité morale, d'une telle...
Quand je suis arrivé à la classe, j'étais un peu fou... hein ! J'ai vu en lui la plénitude morale
, physique... à l'opposé de l'anarchie...
C'était formidable pour moi. Car, chez nous, c'est le respect des autres et de soi-même. Je suis un penseur libre, et malgré ses concepts, Mule, tu le sais, hein ! quand il sentait... je ne dis pas une personnalité, mais quelqu'un qui avait du caractère... un caractère... quelqu'un qui avait quelque chose... il intervenait par petites touches, comme ça, juste...
Et c'est ça qui m'a fait un bien énorme sur le plan...
Ah oui !

Sans m'assagir, Mule m'a donné une forme d'équilibre qui m'a bien servi ensuite. Il m'a montré aussi, ce qu'était le professionnalisme.
Au Conservatoire, j'ai également fait de la musique de chambre avec Oubradous ; le cycle complet d'histoire de la musique avec Dufourcq ; l'enseignement général avec Pierre-Petit ; l'esthétique musicale avec Beaufil et Roland Manuel ; puis j'ai été admis en classe de direction chez Fourestier, comme auditeur, parce que je n'avais pas fait l'Ecriture : harmonie, fugue, etc... J'allais aussi dans la classe de Darius Milhaud pour pousser ses élèves à écrire pour le saxophone.
En 1954, j'ai eu les Premiers Prix de saxophone, de musique de chambre, d'esthétique musicale et d'histoire de la musique. Voilà !


"ROLAND AUDEFROY, Formation",
à voir, sur Wikipedia, pour plus de détails.

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2.- Le "métier"




A 15 ans, j'avais mon autonomie financière, mais je demeurais chez mes parents. J'exerçais en professionnel le métier de Variété, avec un grand "V". Car, tu vois, je considère que la Variété c'est de la musique. Comme disent les anglo-saxons : "music is music".
Je suis, disons... un freelance de musique de Variété...
Les musiciens de Variété, c'est un cercle qui se forme et qui s'agrandit sans cesse. C'est comme un captage, ou presque. On t'entend au cours d'une séance. Alors on dit : "tiens ! celui-là est intéressant". Et te voilà pris ! En plus de cela, j'étais tout jeune, et je travaillais avec des Marceau, qui était flûte solo à l'Opéra, Paul Hogne, fameux soliste, etc...
Mon avantage, ça a été qu'en tant que "classique", entre guillemets, je connaissais bien la question, et j'avais fait du jazz... Dans les musiques de film, s'il y avait un blues ou des choses un petit peu jazz... avec des violons, par exemple, tu vois... j'étais là, et si, la page d'après, il y avait quelque chose avec des petits bois, j'y étais tout aussi bien !
Les affaires se trouvaient par téléphone. Toujours ! Dans la Variété, on marche au téléphone. J'étais appelé à titre individuel. Ça faisait boule de neige. Les gars prenaient mon nom et mon adresse. Voilà !
Au départ, j'étais engagé par les musiciens comme remplaçant. Je remplaçais tout le monde... le plus souvent des musiciens de l'ancienne génération, des musiciens d'avant-guerre qui étaient déjà bien en place... Et comme j'étais nouveau... que j'étais tout jeune et pas maladroit, on m'engageait. Il y avait aussi Nouaux, Deffayet, qui étaient essentiellement, eux, dans un créneau de variété. Ils ne débordaient pas. Le jazz leur était...
...le jazz, c'est autre chose.
Ensuite ce sont les chefs d'orchestre qui ont directement fait appel à moi.

Les remplacements se faisaient sans contrat. Entre nous ! Non ! Non ! Parole - confiance. Par exemple, j'ai traité l'affaire de chef d'orchestre au Moulin-Rouge, pendant les quinze ans, sur parole, sans contrat, sur confiance. C'était comme ça, dans la Variété. Et ça reste valable aujourd'hui... En fait, ça dépend si c'est un organisateur de concert ou un truc comme ça... Mais, dans le "métier", comme je dis, on te téléphone, tu acceptes l'affaire, tu viens, etc... Et c'est O.K..

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3.- Musicien de Variété





Pour moi, être musicien de Variété, c'est travailler aussi bien en studio qu'au Philharmonique ou à l'Opéra. C'est travailler avec tout le monde. Aussi bien sous la direction de Jacques Météhenne et de Georges Tzipine, avec qui j'ai fait beaucoup de musiques de films, que pour l'Opéra. Ainsi, à Rouen, j'ai joué dans l'orchestre de Jeanne au Bûcher, dans la cour du Palais de Justice, où elle avait été jugée... J'étais alors en compagnie de Guy Lacour et de Georges Gourdet. Ainsi, quand je parle Variété, c'est vraiment le grand "V" ouvert ! Je dirais ouvert presque à 360°.
Par exemple, je pouvais être le soir au Moulin Rouge, et le lendemain matin à l'Orchestre National ou au Philharmonique. Il fallait répondre à tout ce qui se présentait. Et répondre bien ! Parce que, sans ça, heu... sans ça... Ça allait vite... !
Entre 1950 et 60, par là... J'ai été engagé par Charles Bruck qui dirigeait l'orchestre, pour jouer du Dallapicola... Mule et Deffayet ayant refusé de jouer cette musique...
Il m'est arrivé aussi, à l'Orchestre de Paris, de jouer Les Tableaux d'une Exposition - je ne dirai pas le nom du chef d'orchestre : nous avons fait nos études ensemble -, il a voulu me reprendre sur le 6/8, en me demandant d'accentuer lourdement l'anacrouse, en faisant Tâ-da... il l'attend encore... C'est tout.
Et parfois, c'était pas commode... Comme quand j'ai joué dans une pièce de Henze. Ah ! la vache ! Il y avait des trucs au saxophone baryton... je ne te dis pas ! Et aussi, une oeuvre que j'ai jouée, dont je ne me souviens pas du nom... c'était Barenboim qui dirigeait... Alors là, au baryton, là-haut !... avec le registre non pas harmonique, mais altissimo !

oOo

J'ai commencé ce métier en professionnel dans les années 50. Il ne fallait pas le dire. J'étais encore au Conservatoire. C'était interdit. Il fallait le faire en douce.
J'ai souvent travaillé en France avec Alix Combelle, Hubert Rostaing et bien d'autres encore, comme Georges Cloud, qui était pour moi un leader. Je ne l'ai pas connu longtemps, parce que, jeune encore, il s'est pété en voiture... En 1953 - d'ailleurs -, tu as été, Jean-Marie, sollicité en vain, pour le remplacer chez Héllian, chez qui il y avait de sacrés musiciens !
Parmi ceux qui m'ont le plus impressionné - je parle dans la variété -, je citerai :
- Pierre Gossez, saxophoniste et clarinettiste ; à l'époque, quand il y avait la Rhapsody in blue ou des choses comme cela à l'Opéra-Comique ou ailleurs, c'est lui qui y allait...
Je lui tire mon chapeau, il n'avait pas ce que j'ai... disons sur le plan "classique" entre guillemets. Par exemple, il ne pouvait pas jouer Ibert ou les Tableaux de Ravel... hein ! Mais bon... C'était une sacrée pointure !
- Il y en avait un autre qui s'appelait Jo Hrasko. Alors lui, terrible ! Avec ça, un petit bonhomme tranquille... tu aurais dit l'employé de mairie... Mais alors... ! Sax, clarinette, flûte, basson et violon, il pouvait tout faire... style Johnny Address, tu vois... Avant la guerre, il avait été le premier alto d'Ellington, avec un son... [sifflet admiratif]... là... à côté de lui... t'étais éteint !
Oui ! Ce sont mes deux plus grosses impressions du "métier".

oOo

En 63, j'ai reçu un coup de fil d'Angleterre. On me demandait si j'étais libre. J'ai dit oui et demandé : "pourquoi ?"
- Pour faire une tournée en France et en Allemagne.
- Avec qui ?
- Avec Cap Calloway ! parce que son premier alto était en prison à Londres pour une histoire de drogue, etc...
Tu parles si j'y suis allé... !
Durant la tournée, j'ai accompagné Stevie Wonder à l'Olympia et Marlène Dietrich...

Au Sporting de Monte Carlo, il y avait l'orchestre Aimé Barelli. Moi, j'étais dans un autre, un orchestre brésilien. On faisait le renfort pour les grandes soirées, pour les grands galas... En 1957, j'ai accompagné Ray Charles...

J'ai fréquenté beaucoup de monde et joué dans tellement d'orchestres... Si je m'en souvenais, je n'en finirais pas de te citer des noms. Il faudrait que je fasse une liste. Tu me prends au dépourvu.
Et puis, je n'ai pas de photos. Je ne suis pas le mec press book. Tu vois ce que je veux dire. Alors là, je ne me sens pas... J'ai fréquenté un tas de monde dans les enregistrements, à l'Olympia, dans les spectacles de gala... Ray Charles, Erald Fildgerald... etc... J'ai été avec Léo Ferré, Brel... J'ai aussi accompagné des vedettes dans un groupe de musiciens qui s'appelait Los Incas. Je jouais sept instruments ! Carrément ! Saxophones, bien sûr, bugle, diverses flûtes à bec, de la kénia... Je me suis initié à tout. Avec certaines vedettes, j'ai même joué de l'harmonica... par exemple, en trio au Casino de Paris. Après ça, on a fait une tournée en Europe.


"Divers" et "Autres prestations exceptionnelles"
à voir, sur Wikipedia, pour plus de détails.

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Le métier, c'est une remise en question permanente, tant sur le plan instrumental que sur le plan...
Je travaillais tout le temps, tout le temps, mais je netravaillais pas pour moi. Pour moi, non ! Je devais toutefois apprendre à contrôler parfaitement mes embouchures : de flûte, clarinette, clarinette basse... des divers saxophones, etc...
Je le fais toujours. Car, aujourd'hui, je suis à la retraite, mais je continue ici, à Nice et dans la région, avec Jacques Melzer.
Nous faisons du quatuor - musique de chambre, du sextet middle jazz, du big band, etc...

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J'ai fait des tournées un petit peu partout en Europe, en Israël aussi ; également avec mon propre orchestre qui s'appelait Les Chachas Boys, et qui a travaillé surtout entre 1958 et 1960. C'était un orchestre typique, que l'on appellerait aujourd'hui de Salsa. Pendant cinq ans, nous avons fait : concerts, galas, télés, radios, etc... Tout ! La formation était fixe, avec environ 18 musiciens... Ça dépendait. Parfois, avec les choeurs, nous étions entre 20 et 25. Il a enregistré en exclusivité chez Pathé-Marconi - La Voix de son Maître.
Mon idée, c'était : les grands orchestres cubains, comme Les Quanacuba-boys ou Aragond... après, il y a eu Les Tito Pointés, une grande évolution, hein, Jacky Constanzo...
Ces musiques typiques ont précédé ce que l'on appelle maintenant la Salsa et voilà... Mais, c'est la même chose.
J'avais aussi un orchestre de scène avec lequel je tournais beaucoup. Nous faisions dancing ou scène. C'est à dire spectacle musical avec chanteur, chanteuse, danse, etc... Voilà...

oOo

De 1945 jusqu'en 1970-75 maximum, il y a eu une flèche ascendante sur le plan de la musique. A l'époque, il n'y avait pas de chômage parmi les musiciens de Variété. Non ! Non ! Tout le monde travaillait. Il y avait des affaires, parce que la musique vivante était infiniment plus présente qu'elle ne l'est aujourd'hui. A la radio, à la télé, tout se faisait en direct.
Et puis, avec les enregistrements, la mode du play-back et tout ça... Boum ! C'est tombé là ! Et, ce n'est pas fini... Ça va dégringoler de plus en plus, parce que maintenant - à part certains qui font leur tour en transformant leur appartement en studio -, etc... il n'y a plus rien... ! Ou seulement des choses ponctuelles, par exemple, un grand concert...

Aujourd'hui, on ne peut guère vivre de la musique de Variété. Les affaires sont divisées par dix... à l'aise !
D'autre part, les grands établissements de Paris, qui s'appellent Folies Bergères, Lido, Moulin Rouge, des maisons qui employaient une centaine de musiciens à l'année, n'en emploient plus un seul !
Ca s'est éteint en 1990. Depuis, terminé ! Tout est enregistré sur bande ! Maintenant, avec un matériel qui coûte quatre ou cinq millions, on fait tout. Voilà !

Dans les années 60, j'ai été avec mon orchestre au Moulin Rouge. Oui ! Les Chachas Boys. Après est arrivé le twist et ces trucs-là - enfin, tu vois ce que je veux dire -, le rock [...] d'Elvis Presley et Cie. Je ne voulais pas tremper dans ces bains-là ! J'ai décidé... J'ai dit : "j'arrête !" J'ai tout cassé ! J'ai arrêté l'orchestre.
On me l'a reproché... mais je m'en fous. C'est ma vie ! J'ai quand même continué à faire de la musique... mais, autrement. [...] Voilà !
quand tu joues les orchestrations des grands américains ; quand tu accompagnes Johnny Mathis, par exemple, c'est de la musique ! Le twist, ça se balade sur un faux blues [...]. Tu vois ! Comme le rock... - une certaine forme de rock -, c'est pareil !
ils ont assassiné le blues ! le blues, c'est vraiment autre chose ! C'est quelque chose d'énorme, sur le plan musical.
La musique de Variété a été galvaudée avec ça. Oui, exactement ! Oui !
Tout comme ce qui se passe maintenant avec le Rap et la musique Techno... Il y a bien quelques tests qui sont intéressants... mais ce lancinant rythmique... ce n'est pas de la musique. Pour moi, c'est du pipeau !
"La musique, comme disait Lavignac, c'est l'art de combiner les sons d'une manière agréable à l'oreille". D'accord... "agréable", où ça commence ? où ça finit ? Et, "agréable " à l'oreille de qui ? Ça laisse libre...
Donc, moi, j'ai arrêté.

Au Moulin Rouge, la revue à laquelle j'ai participé a duré dix ans. Elle s'appelait "Formidable". J'étais directeur musical, chef d'orchestre. Pierre Porte, compositeur - le frère de Georges, le saxophoniste - avait fourni les textes musicaux. J'ai tout dirigé. Tous les enregistrements, les additionnels, c'est-à-dire, les bandes... Tout, mais sentant le vent venir, j'avais fait très attention...
Pour les orchestrations, j'avais mis au point, avec Pierre Porte, un système qui jumelait bande et orchestre, qui faisait que l'orchestre était INDISPENSABLE à la revue. La bande jouait... admettons , deux minutes... quelque chose de romantique avec les violons ou les petits bois, et, tout à coup, il y avait un blanc pour laisser l'orchestre du Moulin intervenir. À d'autres moments, les deux étaient superposés : le big band ou l'orchestre jouait en direct, et, en dessous, il y avait un tapis de violons ou du choeur, enregistré...
Pendant les dix années de "Formidable", l'orchestre a été là, au Moulin, en permanence. On utilisait la bande enregistrée avec 70 musiciens. Mais il y avait toujours, en haut de l'estrade, un grand orchestre de 16 musiciens, avec percussions, timbales et tout ! J'entretenais un roulement de 37 musiciens.
Après... bon ! je ne veux pas expliquer l'histoire Moulin-Rouge... [...] Il n'y a aucune loi qui interdise les enregistrements... Ils nous ont enregistrés à notre insu, et ils ont dit : "Merci Monsieur Audefroy ! Au revoir, l'orchestre !" Je leur ai intenté un procès. Ils l'ont évidemment perdu. Mais, ça, ils s'en foutent... C'est comme à Las Vegas. Tu connais l'histoire...
Aujourd'hui, à Las Vegas, le syndicat américain ayant perdu le contrôle de la situation des musiciens dans les casinos, tout y est enregistré. [...]
À Paris, c'est pareil... Les étrangers viennent pourtant nombreux dans les grands établissements "touristiques" de la capitale, que sont les Folies Bergères, le Lido, le Moulin Rouge... "Paris by night", c'est ça. Eh bien maintenant, fin de revue ! Hop ! Plus de musiciens.
Et ce sont les Américains qui écrivent la musique...
Tout est dit !

Alors, je pense que le métier de Variété est fini... à cause des enregistrements et de l'électronique. Il y a bien des musiciens qui continuent à faire le métier, comme ça... Mais il n'y a plus, il n'y aura plus de stabilité.

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4.- Appréciations et reconnaissances





Mes rapports avec les jazzmen ont été positifs à 100, sinon à 120 %, que ce soit avec les grands saxophonistes, trompettistes, pianistes, trombonistes...
Je ne sais pas combien j'en ai connu dans ma carrière.
Par contre, mon approche des classicos a été souvent décevante. Attention ! Ce sont des copains, des camarades... Mais alors, l'étroitesse d'esprit... Au secours ! Au secours !
Sans généraliser, nombre d'entre eux [...] ont fait du "métier", ce qu'on appelle métier, non pas pour la musique dont ils n'avaient rien à foutre, mais pour faire de la monnaie... de la monnaie.

oOo

J'ai beaucoup plus appris dans ce métier de Variété - avec un grand V majuscule - que dans le créneau classique du Conservatoire de Paris, sans parler de Mule, à la classe.

Dans le "classique" entre guillemets, il y a une rigidité qu'il n'y a ni dans le jazz, ni dans la Variété. Tu sais bien, hein ! que ce soit à la flûte, à la clarinette ou au saxophone... il y a UN son et puis c'est tout ! Voilà ! Dans la Variété, on accepte normalement tout musicien qui respecte son texte, etc... et tout ça ! mais qui est libre dans sa sonorité, dans son concept que certains... Là, les musiciens arrivent de partout... tu as des contacts permanents avec des musiciens très divers que tu ne connais pas... alors que si tu es à la Garde Républicaine ou à l'Opéra, tu es toujours avec les mêmes, pendant dix, vingt ou trente ans... C'est... comment dirais-je ?... comme un cénacle. C'est carré. Point final !
Dans le métier, les musiciens étrangers passent sans cesse, il y a une sélection permanente qui se fait. Quand la mode était à la musique cubaine, à la musique brésilienne, etc... arrivaient des Cubains ou des Brésiliens... C'est eux qui, finalement - notamment sur le plan rythmique - nous ont initiés aux concepts de leur musique de folklore...
Si on reste franco-français, alors... Ah oui ! bonjour les dégâts !

oOo

Sur le plan concept du saxophone, Charlie Parker fait partie des musiciens qui m'ont le plus marqué. J'ai écouté ses disques dès 1945. Je suis un fan de Jimmy Dorsey, Phil Woods qui est pour moi un grand maître du saxophone... Art Pepper, qui a été chez Stan Kenton... Lee Konitz, etc...
A Paris, à l'Olympia, j'ai entendu John Coltrane, bien sûr.

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5.- Opinions et considérations





J'ai toujours joué tous les sax. Et cela, depuis mon entrée à la Musique, dans l'armée, en 1949. Tous les saxophones se trouvaient là. J'en ai profité. À l'époque, je n'avais pas les moyens. J'avais juste un alto. Par la suite, dans le métier, je me suis acheté mes propres instruments, toute la gamme des saxophones. Remplaçant d'orchestre, on joue de tout, en fonction de la demande. C'était normal. C'est ainsi depuis toujours dans la Variété.
Ceci dit, il y avait des saxophonistes un peu plus spécialisés... comme Mule qui faisait lui aussi de la Variété, il ne faut pas le cacher, hein ! Il travaillait dans les cabarets, il faisait des phonos, etc... Lui, il était le plus souvent soit à l'alto, soit au soprano. Point. Les autres jouaient ténor ou baryton. Josse, par exemple... dans les phonos, les trucs ou les films... il jouait aussi bien l'alto que le ténor ou que le baryton, rarement le soprano.
Henri Jouau, lui, était spécialisé au baryton-clarinette et est resté dans la Variété, tandis que moi, j'ai "voyagé" sans cesse.
Des élèves issus de la classe de Mule, rares sont ceux qui ont fait classique et variété. Il y a Jacques Noureddine, qui est passé du classique à la Variété, mais qui a été ensuite clarinette basse à l' Orchestre de Toulouse. Dans Lulu, l'opéra de Berg, Pierre Gausèze et Romain Mayoral - deux pointures ! - ont joué sur scène dans le tableau du cabaret, mais eux ne faisaient pas de classique.
Il y avait, comme musiciens extraordinaires, les frères Rascot... Mickey Nicolas. Ils étaient ce qu'on appelle des "requins"... Moi, je ne me considérais pas comme un requin, parce qu'un requin, c'est une mentalité que je n'ai pas. Il y a un filet, un grillage, des mailles, un filtre... tu vois. Comme requins, je peux encore citer Georges Genu, Deffayet. Deffayet, c'était un requin, mais sur le bord de la variété... car, pour lui, il y avait des choses qui ne passaient pas.

oOo

Vois-tu, mes deux instruments préférés sont la voix humaine et le violon. C'est pour cela que j'ai été séduit par le saxophone ; par le saxophone d'Alix Combelle. Il y avait quelque chose qui... comme chez Don Bayas, Coleman Hawkins, Lester Young, etc... J'avais onze ans. Je n'avais aucune culture musicale, mais, avec ces gens-là, tu la prends en direct... Voilà !
Tu vois... je reviens toujours aux sources, parce que le ténor, c'est le chant ! C'est ça qui m'a séduit dans le saxophone.

C'est le jazz qui m'a le plus attiré. Le jazz pur : Charlie Parker, Stan Getz, Phil Woods et d'autres. J'en oublie des tas. Mais, comme j'aime la voix humaine, je suis très accroc par le lyrique - ce qui ne m'empêche pas d'aimer aussi les concertos de violon, de piano... - En vieillissant, je rouvre mon coeur à la musique classique. C'est d'une telle richesse !
Tout ! Tout ! Tout ! Tout est à prendre et à piocher... On peut se nourrir les oreilles dans tout !

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En Variété, les anciens d'avant la guerre étaient des flûtistes, des clarinettistes, des hautboïstes, des bassonistes qui s'étaient mis au saxophone... Les sax jouaient couramment la clarinette - indispensable - et la flûte ; les barytons, la clarinette basse aussi. Oui !
Aujourd'hui, la pluralité de pratique instrumentale est plus que jamais nécessaire. Encore plus qu'avant ! Tous les sax doivent jouer la flûte ou le piccolo, la clarinette, la clarinette basse. C'est eux qui, désormais, font les petits bois de l'orchestre. Voilà !
Savoir déchiffrer est également indispensable. Et il faut le savoir tout de suite ! En Variété, on n'a pas, comme à l'Opéra, quatre ou cinq répétitions... Là, on travaille en lecture. Même si c'est en studio pour un enregistrement. Et il y a parfois des choses redoutables à jouer !
Et l'improvissation, aussi ! Au moins, l'improvisation sur grille harmonique, car la Variété n'est pas le free-jazz...

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C'est à Paris que se fait le métier. C'est le problème de la centralisation. Et ça existe malheureusement toujours. Toute ma carrière : ça a été Paris. Même quand j'ai été chef d'orchestre dans les casinos de Deauville, d'Evian, à Monte-Carlo, etc... C'est de Paris que tout partait. Et c'est un malheur qui perdure : Paris décide toujours de tout !

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6.- Conversion




Tu te souviens que dans les années 70, Guy Lacour, Jacques Melzer,toi et moi avons retravaillé en quatuor, comme nous l'avions fait à l'époque du Conservatoire. En discutant avec vous, l'idée de passer le C.A. m'est venue. J'avais beaucoup voyagé à l'étranger et les affaires de studio commençaient à péricliter. Mon premier C.A. avait foiré... Au second, en 70, nous étions, je crois bien, quarante-sept. Je l'ai eu et j'ai accepté d'aller à Rennes en 1971. J'y suis resté dix ans. Ensuite, j'ai été pendant dix ans à Chartres, plus à l'Ecole Normale de Musique, dans les années 78-80-85-86.
Parce que je suis insomniaque, j'ai pu concilier - je le paye maintenant - les deux métiers de freelance et d'enseignant. Je pouvais ne dormir que trois heures... Je groupais mes seize heures de cours en deux jours et puis... hop ! je reprenais le métier. Et si j'avais une "modulation", je déplaçais mes cours. Ça s'arrangeait très bien. Voilà !


"Expérience professionnelle"

à voir, sur Wikipedia, pour plus de détails.

 

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J'ai rencontré Jacques Melzer chez Josse. Pendant les leçons, il était en culotte courte. Sa maman l'amenait. Je me disais : "qu'est-c'qu'c'est qu'ce p'tit-là ?" Par la suite, je l'ai mis dans le bain, mais c'était... disons, pour me remplacer dans des orchestres, pour faire des galas, quelques séances, etc... Il a très peu fait de métier avec moi.
Lacour, Noureddine, je les ai également faits tous travailler, parce que j'avais des affaires... Briodin aussi, qui ensuite a fait une carrière vocale... J'ai pensé aux copains. Puis après, chacun se débrouillait. Mais ils ne se situaient pas comme moi, dans les spécialisations de studio, de musique de film, etc... et tout ça.

Le métier m'a mieux nourri financièrement que l'enseignement. Oui ! Financièrement, c'est le métier.

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7.- Considérations





Qu'est-ce qu'être musicien... ? Pff ! C'est un état d'esprit. Pour moi, c'est comme être poète, peut-être. Il n'y a pas besoin de pratiquer pour être musicien... C'est une sensibilité. C'est être réceptif... Parfois, un public, même un profane peuvent être plus musiciens qu'un instrumentiste. Tu vois ce que je veux dire.
Et la culture musicale ne cesse jamais. j'ai eu la chance, dans mes pérégrinations, de fréquenter de véritables musiciens, aussi bien en Macédoine, en Israël, en Scandinavie... partout ! J'ai particulièrement aimé la musique indoue avec ses modes, à côté desquels notre système tonal à douze sons paraît du Moyen-Age. Je m'en rendais compte déjà en classe d'esthétique ! Ecoutons Ravi Shangar. Point !

Pour moi, le bruit, c'est un son... à partir duquel commence la musique. Il faut relire Jacques Attali, qui a bien écrit de ça dans les années 70, ou revoir un film comme "Mad Max", que les australiens ont fait avec du Mozart en dessous... L'étude "Balafon" de Lauba, qu'a jouée le p'tit, à Hyères, pour le centième anniversaire de Mule, c'est un langage, qui ne décoifferait pas un Indou, un Africain non plus...

Finalement, je crois que les études classiques de musique ne m'ont servi à rien ! simplement à maîtriser l'instrument. Quant aux partitions, à part une ou deux exceptions, il n'y a rien à retenir. C'est très pauvre, par rapport à la flûte, à la clarinette, au violon... Ah ! la java de la Sonatine de Pascal... !

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8.- Réflexions diverses





J'ai aimé le monde dans lequel j'ai évolué. Dans l'ensemble, oui ! Parce qu'il y a à apprendre dans tous les mondes : au Canada, en Amérique, au Mexique, en Israël, au Maghreb, en Scandinavie... J'ai vécu plusieurs vies.
Si on sait aller à la rencontre... on trouve.
Quelquefois, j'ai pris des positions qui ne m'ont pas coûté cher, mais qui ont créé des barrières. A la télé, surtout. Par exemple, j'ai refusé de jouer avec mon orchestre, devant 800 personnes... Carrément ! parce que, sur le plan administratif, ils ne donnaient pas les formulaires de déclaration règlementaires. [...]
C'est une anecdote parmi d'autres. Comme aussi l'Olympia, avec certaines productions de grandes vedettes, en voulant mettre toujours les choses clairement au point...

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Dans le milieu, il y avait de la drogue. J'en ai touché. Oui ! Tout. Mais j'ai eu deux coups de semonce, deux rappels à l'ordre et ça a suffit. Oui ! Oui !
Par contre, il y en a qui s'y abandonnaient. Il y a eu beaucoup d'écueils, d'échecs. J'en ai connu beaucoup. Au Mexique avec les champignons hallucinogènes... dans le groupe de Los Incas [...], c'était... c'était les "calumets de la paix"... Attention !
On a fait un voyage sur Air Canada, le Commandant de bord est venu nous dire : "Arrêtez là..."... Les gens... On leur a fait un concert et ça s'est finalement calmé. Mais, ça, c'est une plaisanterie.
il n'y avait pas de violence. Non !

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9.- Perspectives





Un jeune qui voudrait aujourd'hui faire de la musique, qui voudrait se lancer dans le métier... Pourquoi pas ? Oui ! Mais alors, je lui conseillerais d'ouvrir au maximum son horizon.
Car viser à être professeur...
Je connais comme toi des "confrères" - entre guillemets -, qui ont pris un poste de professeur à 25 ans et qui arrivent à 60, sans n'avoir fait que de l'enseignement... - tu vois... Certains d'entre eux cumulaient trois ou quatre postes - tu connais l'histoire... Durant leur carrière, qu'ont-ils joué ? Les Tableaux d'une exposition, le Boléro et puis deux ou trois trucs. Point final !
Ce n'est pas là une vie de musicien. Ah non ! Au secours ! Ça, c'est pas la peine... Pour un musicien, il y a vraiment autre chose à faire qu'enseigner.

Et puis, que jouer au saxophone... ?
Tout dépend vraiment du créneau dans lequel le gars veut s'engager... Ah oui !

Les nouvelles générations changent fréquemment de métier. Les gens ne sont plus à vie, par exemple, architectes ou ingénieurs ou ci ou ça... De plus, ils doivent se recycler, je ne sais pas, tous les cinq ou dix ans ; se remettre en question, etc...
Dans la musique, c'est pareil, il faut pouvoir passer d'un genre de musique à l'autre. Exactement !
Et puis, je dirais aux musiciens français, surtout, de prendre leur sac sur le dos et d'aller voir et entendre ce qui se passe ailleurs. Peu importe où, selon les moyens. Même si je ne suis pas pro-Américain, là-bas, il y a bien des leçons à prendre. D'abord sur le plan du sérieux du travail, du potentiel travail, du professionnalisme. Ils ont certainement des moyens énormes, mais ils vont souvent bille en tête... Hein ! Bon. C'est l'Amérique.
Après, je dirais d'aller dans les pays scandinaves. Il y a quelque intérêt aussi à aller là-bas. Les gens sont très ouverts. On les ignore un petit peu sur le plan européen, pourtant... Je les connais. J'ai beaucoup vécu en Suède.
Les Anglais, c'est encore différent. Ils sont très bien dans les formes de groupes, etc... et tout ça... Ils ont quelques bons musiciens, comme partout ailleurs, mais... les Anglais ont l'oeil et l'oreille à l'Ouest sur l'Amérique. Pour tout, d'ailleurs.
Et pour la musique sud-américaine, toute l'Amérique du Sud, plus l'Amérique centrale, c'est-à-dire le Mexique, le Brésil, l'Argentine, la Bolivie, etc... etc... Il y a là, partout, une richesse sur le plan des folklores, dont on n'a pas idée.
Chez nous, sorti du biniou breton et de la bourrée auvergnate, on est pauvre en folklore. Je schématise bien sûr, car il y a les basques. Alors là, attention ! Eux, c'est une belle culture. C'est vraiment eux les mieux.

Alors, à un jeune... comme celui que nous avons entendu hier, je dirais, ce que je lui ai dit en plaisantant comme ça, à la fin : "tu vois, il te reste maintenant à travailler... même si c'est pour remplacer ton prof..." C'était une boutade. Mais je lui ai conseillé d'ouvrir ses oreilles et d'écouter TOUT ! TOUT ! Ah oui ! TOUT. Il n'y a rien à faire.
Parce que c'est notre carence, notre défaut - pas partout, certes -, mais le Français n'écoute rien ! Il n'écoute que ce qu'il fait, lui... C'est vrai dans bien des domaines.
Et le manque de curiosité, et de culture aussi. Oh ! Là-là ! Si tu savais...
La plus grande qualité du musicien de Variété, c'est l'ouverture d'esprit. Oui ! l'ouverture d'esprit ! Ne pas dire, comme je l'ai entendu parfois : "oh ! ça : Non !". Je pourrais te citer des noms, mais il vaut mieux... hein ! bon. Ça ferait une histoire ! On ne peut évidemment pas parler du maître... Pour lui, heu... ! "Musique moderne", "musique contemporaine"... : IMPERMÉABLE !

oOo
É À Ç

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II
L'ESF
ENSEMBLE DE SAXOPHONES FRANÇAIS



1.- Les formations



À
l'origine, l'ESF, Ensemble de Saxophones Français,
est un quatuor co-fondé, en 1972 par
Jacques Melzer (soprano), Jean-Marie Londeix (alto), Guy Lacour (ténor),
Roland Audefroy (baryton).




L'ESF joue BACH, l'Art de la Fugue sur
YouTube


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Dans une seconde formation de quatuor,
Michel Nouaux (soprano) et Gilbert Wiattgé (alto/baryton)
remplacent Jacques Melzer et Jean-Marie Londeix.
Cette formation enregistrera un CD, avec, notamment,
Magheia de Lucie Robert, et le Quatuor de Guy Lacour.



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Avec l'arrivée d'Alain Bouhey, en 1980,
l'Ensemble devient à géométrie variable, de trois à plus de vingt-cinq musiciens,
musiciens classiques, de jazz, de tradition orale, improvisateurs sculptophonistes.
Il sera notamment dirigé par
Roland Audefroy, Jean-François Alexandre, Henrick Bruun, Pierre Bertrand, Philippe Duchesne.
L'Ensemble de Saxophones Français suscita adaptations et créations
dont une bonne partie est sur YouTube.
Il réunit, entre autres (liste à compléter) :
Compositeurs :
Jean-François Alexandre, Pierre Bertrand, Philippe Duchesne, Yochk'o Seffer.
Pianistes :
Bernard Desormières, Damien Nedonchelle, Jean-Michel Louchart.
Trio de mandjans (balafongs camerounais) :
Léon Atangana, Bienvenu Nyounay, Jean-Paul Tona.
Ensemble de Saxophones Français :
Roland Audefroy, Antoine Bellec, Pierre Bertrand, Pierre-Marie Bonafos, Alain Bouhey,
Bertrand Dubreuil, Stéphane Guillaume, Thomas Jurcovich, Dominique Mansion, Laurent Matheron,
Christian Outtier, Eric Pierre, Olivier Piot, Frédéric di Quero, Pascal Rousseaud, André Royer, Nathalie Villedieu.
Percussionniste :
David Outtier
Bassiste :
Jean Chaudron
Batteur :
Tino Lator
Quatuor de sculptophonies :

Serge Bertocchi, Laurent Matheron, Sylvain Miller, Yochk'o Seffer.
Récitants :
Christine Sireyzol et Patrice Bell.


2.- Jazz et Variété


Jazz
, que tu aimais par dessus tout
et Variété, que tu voulais avec un grand V :



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3.- Avec les Classicos


Et avec les "classicos"...
Franchement, Roland, sommes-nous si décevants ?
Voici, tout d'abord "Douala à Paris", qu'il faut voir sur YouTube :


"Douala à Paris" intégral,
1 "Sibongo", 2 "Bloc", 3 "Sortie de Bloc", 4 "L'ouvre-pyramide"

En dehors du fait que je n'ai pas retrouvé l'enregistrement de Rhapsody in Blue,
joué sous ta direction, avec le pianiste Damien Nedonchelle,
qu'ajouter à cela, si ce n'est un immense

MERCI, ROLAND ?

pour ces horizons que tu nous a ouverts.
Ils font que, quelque soit la peine que nous partageons avec ta famille et tes proches,
tu Vis toujours en nous avec ce grand "V" que tu donnas à la musique de Variété,
pour nous ouvrir à la Variété de toute la Musique
et de la Vie.

Alain Bouhey




 
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